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Hospitaliers, il y a dix ans, régnaient encore ; dans la Valette, entourée des remparts bâtis par Charles-Quint ; devant les tombeaux des baillis et des commandeurs, les pompes et les gloires d’autrefois ont-elles ému l’imagination d’un prince exilé, et dissipé les illusions de sa jeunesse ?

Ne cherchons pas un portrait de ce prince parmi les héros de la poésie romantique. Il ne ressemble en aucune manière à Oswald rêvant avec Corinne sur les ruines de Rome. Jamais âme ne fut moins docile à des impressions, moins emportée par l’imagination. Le tumulte de l’extérieur n’obscurcit jamais sa raison. Son solide et froid bon sens se maintiendra toujours en pleine santé, en pleine maîtrise de soi-même à travers les aventures les plus extraordinaires qu’une existence humaine ait traversées. Ce bon sens est la qualité remarquable de son esprit. Mme de Genlis, qui lui apprenait l’Histoire ancienne quand il avait neuf ans, avait dit de lui : « Son bon naturel, dès l’abord, me frappa. Il aimait la raison, comme tous les autres enfans aiment les contes frivoles ; dès qu’on la lui présentait à propos et avec clarté, il l’écoutait avec intérêt. »

Il a maintenant trente-cinq ans à peine, et il a.vu la cour de Versailles, la Terreur, les guerres, l’essor prodigieux de l’Empire de Napoléon. Il est né au Palais-Royal, et, quand il était enfant, son père lui apprenait à chanter : « Ça ira ! » Il est premier prince du sang de France, et général de division de la République, petit-fils de Henri IV, neveu de Louis XIV, et fils de conventionnel. La Convention a fait périr son roi, et peu de mois après le conventionnel, son père, a subi le même sort.

Versailles maintenant, et la Convention, sont des rêves évanouis. La France est aux pieds de l’Empereur. Ses armées victorieuses de l’Europe entière ont bousculé toutes les anciennes monarchies. De quel côté le Duc d’Orléans dirigera-t-il ses pas ? Où cherchera-t-il pour sa vie errante un établissement définitif ? Comment, après le trouble des débuts, se formeront, s’installeront dans son esprit d’invariables opinions, une doctrine définitive qui, par la suite, est apparue dans toutes ses actions, et les a dirigées et, on peut le dire, commandées ?

Nous devons supposer que, vers la douloureuse année de la mort de ses frères et dans les premiers momens de repos qui