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gouvernement pour son compte. Et s’ils décident en sens contraire, qui tranchera ? Ce ne seront pas les représentans militaires adjoints au Suprême Conseil, puisqu’ils doivent être exclusivement des conseillers techniques, et que ce ne sont pas eux qui élaboreront les plans, mais, dans chaque pays, les autorités compétentes. De telle sorte que le Suprême État-major sera comme le Suprême Conseil de guerre, avec cette différence qu’au lieu d’avoir une série de supérieurs, les gouvernemens, il en aura deux, les gouvernemens respectifs et les états-majors particuliers. Sa seule qualité est la permanence; mais ce n’est vrai que du Suprême État-major; il n’en est rien pour le Suprême Conseil de guerre, qui n’est que mensuel. Vainement on voudrait faire valoir que les difficultés théoriques s’aplaniront du fait qu’une fois par mois le premier ministre et d’autres membres du gouvernement de chacun des pays conféreront : on n’aboutit qu’à une difficulté de plus, peut-être à une impossibilité matérielle ; et l’on ne voit guère M. Lloyd George venant tous les mois de Londres, ni M. Orlando, tous les mois, venant de Rome à Versailles. Non; la solution n’est pas une solution, la mesure n’est qu’une demi-mesure. Elle retarde, et elle ne suffit pas. Organe de coordination, nous dit le texte de l’accord. Mais c’est de quoi nous aurions pu nous contenter il y a deux ans. A présent, il nous faut un organe non de coordination, mais de commandement. On ne parle que de coordonner, parce qu’on craint de se subordonner. Pourtant nous n’en sommes plus là. Hindenburg ne coordonne pas, il ordonne. L’Entente réclame un cerveau : on lui fabrique une boîte crânienne, où l’on fera la compensation, le dosage, le mélange des pensées et des volontés. Ce n’est pas ainsi qu’elle vivra et qu’elle vaincra. Comme l’Europe centrale, et plus qu’elle, n’étant pas centrale, étant dispersée, elle appelle une pensée unique, une volonté unique, une impulsion unique, une direction unique.

Notons tout de suite que c’est plus commode à dire qu’à faire, et que l’opinion publique n’y est pas également préparée, même dans chacun des trois pays seulement dont les armées combattent aujourd’hui sur le front occidental. Aussi les critiques adressées en Angleterre à la convention de Rapallo et celles qu’on lui adresse en France sont-elles opposées et contradictoires. Les Anglais lui reprochent son excès, et nous son insuffisance. Ils se plaignent que ce soit trop, et nous que ce soit trop peu. Un supplément de force persuasive nous viendra vraisemblablement lorsque, l’armée des États-Unis étant entrée en ligne sur le front occidental, le gouvernement américain, — par qui ? par