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y a pourtant unité de guerre, non sur un front unique, mais sur un double front. De plus en plus cette unité de guerre ressort et apparaît. Toutes les guerre nostre des premières années se soudent et se fondent en une guerra nostra, qui est celle de tous les Alliés, propre à chacun, commune à tous. Dans la guerre commune, pour la guerre commune, à fin commune, à fortune commune, à forces et ressources communes, il y a un front occidental qui s’étend de la Mer du Nord à l’Adriatique, articulé en trois secteurs, le secteur belge, le secteur anglo-français, le secteur italien. Il y a un front oriental, qui se divise en trois ou quatre, parties: Russie, dans la mesure où elle résiste encore; Moldavie, si l’isolement de l’armée roumaine ne la paralyse pas ; Orient européen, Épire, Thessalie, Macédoine ; Orient asiatique, Mésopotamie, Syrie, et sur la rive africaine du canal, gardant ouvert un des grands passages du monde, protégeant une des artères de l’Entente et la moelle épinière même de l’Empire britannique, Égypte. De Nieuport à Venise, le front occidental se tient d’une seule tenue; et d’une seule tenue aussi le front oriental, de Vallona au golfe d’Aden et à la presqu’île du Sinaï. Séparés sur le terrain par la loi physique de la distance, ils se relient et se réunissent dans l’esprit par les nécessités de la guerre.

Sur l’un et l’autre de ces fronts, de l’un à l’autre de ces secteurs, et en arrière, dans les divers pays, l’Allemagne promène ses feintes et ses offensives; ses offensives et ses feintes alternées, souvent conjuguées ; ses offensives qui sont des feintes, ses feintes qui sont des offensives, par lesquelles, à toute heure, en tout lieu, dans toute occasion, elle fait, de toute la puissance de tous ses moyens, la guerre totale. On l’a déjà montré ici : les dialogues et monologues sur la paix lui servent à masquer, pendant qu’elle les monte, des opérations de guerre; telle ou telle opération de guerre, à provoquer et à essayer d’amorcer des conversations sur la paix; et tantôt c’est l’opération de guerre qui est la feinte, tantôt c’est le dialogue sur la paix qui est l’offensive. Au point où elle en est, il importe beaucoup moins à l’Europe centrale d’occuper de nouveaux territoires que de commencer à traiter, que de parler, avant l’entrée en scène effective des États-Unis avec l’afflux formidable de tout ce qu’ils apportent et de tout ce qu’ils entraînent à leur suite.

L’intrigue patiente et savante qui, en fait, a neutralisé la Russie est perdue, si la seconde moitié du globe a le temps de se lever vers l’Ouest et de retomber de tout son volume et de tout son poids sur l’Allemagne. C’est ce temps-là que les Empires du Centre veulent