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du fleuve, à l’abri relatif du Medemsand, sert de mouillage d’attente à la « Hoch see flotte ; » c’est, avant tout, parce que dans cette rade même débouche le canal maritime allemand dont je parlais tout à l’heure à propos de Sylt, de sorte que, pour entrer dans ce canal, par les écluses de Brunsbüttel, ou pour déboucher dans la mer du Nord après en être sorti, il faut passer sous le canon de Cüxhaven. S’emparer de Cüxhaven, c’est donc paralyser complètement les mouvemens stratégiques de la flotte allemande en lui interdisant les « jeux de navette » entre mer du Nord et Baltique en vue desquels, expressément, cette belle voie de communications intérieure a été créée.

Aussi n’est-ce pas sans une vive surprise que j’ai lu, il y a quelques mois, sous la plume d’un officier général de l’armée mieux inspiré d’ordinaire, cette singulière question : « A quoi servirait de descendre à Cüxhaven ? » Et l’auteur, ne voyant dans la prise de possession de ce point capital que l’intérêt — fort médiocre, à son avis[1], — d’un débarquement ayant pour objectif une opération dans l’intérieur du pays, ajoutait : « Dût-on réussir dans la descente même, que l’on n’en serait pas plus avancé, au fond. On ne pourrait pas déboucher… »

Ce n’est point, encore une fois, le moment de discuter ces questions, que j’ai d’ailleurs effleurées dans mon étude du 15 octobre 1916 ; je me borne à observer que la région de Cüxhaven se prêterait bien aux opérations actives qui doivent suivre une descente exécutée avec de grands moyens. Ce saillant, en effet, s’évase rapidement dans le sens de la marche en avant de l’armée débarquée, ce qui facilite le déploiement de celle-ci ; et, d’autre part, la disposition des lieux est telle, au double point de vue géographique et hydrographique, que, pendant les deux premières marches, les plus délicates pour l’assaillant, la force navale serait en mesure de flanquer les deux ailes de l’armée en avançant dans les deux estuaires de l’Elbe et de la Weser.

Mais, à n’envisager que les résultats politiques et militaires d’une offensive sur le sol même de l’Allemagne, ce n’est pas sans doute par Cüxhaven et le « Land Hadeln » qu’il conviendrait le mieux de débuter. D’autres points de descente et d’autres

  1. J’ai déjà noté, dans l’article du 15 octobre 1916, sur les « Opérations du débarquement, » les répugnances traditionnelles des officiers de l’armée contre les opérations combinées.