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dans les États du Sud, traiter quelqu’un de Prussien, de Prussien de Berlin, est lui adresser la plus sanglante injure. »

Les ultimes manifestations de la résistance à la conquête sont assez difficiles à découvrir, car, depuis de longues années, il y avait des choses que l’on n’imprimait plus, ou du moins fort rarement. Un centre très important était constitué par la Wallonie, où l’opposition se faisait très vive, et dont les habitans, se sentant de plus en plus isolés dans l’Empire, déployaient une grande énergie à défendre leur langue. On peut signaler aussi qu’à diverses reprises, et encore à des dates très récentes, le conseil municipal de Mayence a tenu tête au gouvernement sur des questions d’importance secondaire et toutes locales, mais qui mettaient en jeu certains restes de la domination française auxquels les habitans demeuraient très attachés : la ville n’entendait rien abandonner de son passé. A Trêves, la germanisation fut très longtemps entravée par l’action vigoureuse de l’évêque Korum, un prêtre alsacien qui prit possession du siège en 1882, recommandé par Manteuffel, et dont la nomination, déclare Hohenlohe, fut le résultat d’un malentendu.

Mais l’attitude de Korum n’a pas été un fait isolé, et l’on peut dire que d’autres membres du clergé rhénan, loin d’être éblouis par la prospérité de l’Empire, conservaient entier l’amour de la France. Je n’en veux d’autre exemple que celui de Henri Brück, l’historien du catholicisme en Allemagne au XIXe siècle. Il était né à Bingen en 1839, à une époque où la rive gauche se débattait sous l’étreinte des conquérans ; devenu évêque de Mayence en 1899, il mourait en 1903. Brück avait certainement désiré notre victoire en 1870. Cela résulte avec la dernière évidence de l’hommage qu’il noue rend quand il parle de l’écrasement de la France, « dont les habitans ont combattu pour leur patrie avec une ténacité héroïque. » Il a osé, dans ces territoires asservis, faire sienne notre protestation contre Bismarck. Dans la page qu’il consacre à la séance du Reichstag où, le 4 décembre 1874, le chancelier, répondant au discours du député Jorg, accusa le cabinet français d’obéir à des influences jésuitiques et romaines, Brück s’indigne : « Ceux qui savent, dit-il, les origines de la guerre franco-allemande, et en particulier les révélations faites plus tard sur la dépêche d’Ems, reconnaîtront l’absolue fausseté de ces affirmations. Avec le père de famille de l’Évangile, on peut crier à cet homme : « Je