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III. — L’ORGANISATION DE LA CONQUÊTE

Dans cette vallée rhénane, si profondément francisée, ce fut la bourgeoisie des villes qui se rallia la première, et le mouvement commença dès les premières années du Kulturkampf., Berlin sut provoquer les dévouemens et les récompenser quand ils s’offraient. Le fils de Hausemann fut anobli en 1872. Le docteur Becker, d’Elberfeld, qui avait été condamné pour avoir pris part aux mouvemens insurrectionnels de 1848, der rothe Becker, Becker le Rouge, devint premier bourgmestre de Cologne et membre de la Chambre des Seigneurs. Les manifestations de loyalisme, d’abord organisées officieusement, tinrent l’opinion en haleine. En 1875, un comité de Dortmund ouvrit un concours pour la composition d’un hymne en l’honneur de Bismarck, et cet hymne fut exécuté pour la première fois à Düsseldorf, le 22 octobre 1876. La ville de Cologne, en 1875, nomma le chancelier bourgeois honoraire et lui éleva une statue. L’année suivante, elle célébra par de grandes fêtes l’achèvement de sa cathédrale ; en présence de l’empereur Guillaume Ier, un poète poméranien, T. Scherenberg, affirma en vers pompeux que les destinées de la cathédrale et celles de l’Allemagne étaient conjointes.

Ce n’était encore qu’un début, et la conquête morale du pays rhénan ne pouvait se faire du jour au lendemain. La pénétration de l’idée impériale et prussienne fut lente : elle s’opéra cependant. En 1830, en 1840, en 1848, en 1866, nous avions reculé devant l’effort nécessaire ; en 1870, nous avions été battus. Les derniers espoirs s’évanouirent pendant le Kulturkampf : il semblait bien que nous eussions quitté le Rhin pour toujours, et il eût été chimérique de prévoir notre retour.

Puis les formes de l’administration prussienne et les institutions allemandes avaient été progressivement substituées aux nôtres, selon un plan longuement suivi et que la bureaucratie berlinoise n’abandonna jamais. Les derniers vestiges du Concordat napoléonien s’effacèrent en 1873, quand fut promulguée la loi du 11 mai, qui annulait la distinction jusque-là maintenue entre les curés inamovibles et les desservans. Le système des impôts n’avait plus rien de français. Nos codes avaient disparu l’un après l’autre^ Notre organisation