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a dénoncé à plusieurs reprises le manque de patriotisme du Centre. S’il l’a fait le plus souvent en termes vagues, c’est assurément que ses allusions étaient assez claires pour être comprises de tout le monde, et c’est justement parce que ses imputations étaient gênantes que Mallinkrodt, dans la séance du 16 janvier 1874, utilisant les révélations faites par le livre alors récent de La Marmora, et parlant au nom du parti catholique, a fait connaître à l’Allemagne impériale que Bismarck, en 1866, envisageait comme possible la cession à la France de Coblence, de Trêves et du Palatinat. Ce coup droit n’avait pour but que de forcer au silence le chancelier. Ainsi tout s’éclaire.

Mais, à défaut de documens allemands, il y a d’autres sources qui nous éclairent sur l’état de l’opinion rhénane. Au début de la guerre de 1944, l’auteur de ces lignes a rencontré deux vétérans de l’armée*de Metz, le premier, un Alsacien qui n’a pas voulu rester dans son pays natal après l’annexion, le second, petit-fils d’un de ces Saxons qui, après avoir servi sous les ordres de Napoléon, sont venus s’établir en France à la chute du grand empereur. Tous les deux étaient d’anciens engagés volontaires ; tous les deux avaient été faits prisonniers au moment de la capitulation et avaient traversé le pays rhénan avant d’être internés en Allemagne. « Nos souvenirs sont lointains, a déclaré l’Alsacien. Je-n’ai fait d’ailleurs que passer sur la rive gauche du Rhin et je n’y ai pas séjourné. Je me rappelle seulement que, sur le quai de la gare de Landau, des jeunes filles en grand nombre se sont approchées de notre train. Elles pleuraient en nous voyant et disaient qu’elles voulaient être Françaises. Elles savaient le français mieux que moi… Et puis, j’ai été à Mayence. La un cordonnier m’a recueilli, m’a caché et m’a offert de me garder. Lui aussi disait qu’il voulait être Français. Mais les gendarmes m’ont découvert, et j’ai été envoyé au bout de quatre jours à Stettin. C’est tout ce que j’ai constaté. »

L’autre prisonnier de Metz a fait une déposition beaucoup plus riche et plus complète. Son récit peut se résumer de la façon suivante. Il a d’abord été dirigé sur Trêves ; dans la foule énorme qui attendait le convoi, il n’a pas entendu un cri hostile ; au contraire, les enfans ont offert des fruits à nos soldats. Au moment où la colonne s’est mise en marche, quelques bourgeois se sont glissés auprès de lui, et l’un d’eux, l’air navré, lui a dit en français : « Pourquoi n’avez-vous pas été