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Donc l’Empereur est le dieu visible et présent. Les progrès de son peuple émanent de sa divinité. Les libertés constitutionnelles qu’il lui accorde ne sont que des présens auxquels ses sujets n’avaient aucun droit. Et les rescrits impériaux constituent l’évangile du Japon moderne. Celui de 1890 est un des plus commentés : « Nos ancêtres ont fondé cet Empire sur un magnifique et vaste plan ; ils ont établi leurs vertus sur des bases solides et profondes ; et nos nombreux sujets, loyaux envers leur souverain et pleins de respect pour leurs parens, ont montré dans chaque génération le beau spectacle de l’union la plus parfaite. Tels sont les principes essentiels de notre Constitution nationale. Tel doit être aussi le fondement de notre éducation. Vous donc, Nos sujets, soyez soumis à vos parens, affectueux pour vos frères, aimez-vous entre époux et soyez fidèles à vos amis. Que tout en vous respire la dignité et la modestie… Instruisez-vous et appliquez-vous au travail afin d’élever votre intelligence et de développer vos facultés morales. »

Ils ont évidemment peu à faire, car, en même temps qu’Amaterasu donnait à son fils l’investiture de l’Empire sur les îles du Japon, l’âme japonaise éclose à sa lumière reconnaissait le symbole de ses vertus naturelles dans les trois trésors sacrés : la pierre précieuse symbolise en effet la compassion et l’humanité ; le miroir, la pureté et la droiture ; le sabre, la décision et le courage. Ainsi le Bushido remonte à l’âge des dieux. Le guerrier japonais, le Bushi, est avant tout shintoïste. Ses plus belles qualités se ramènent à la simplicité de l’esprit et du cœur. Il obéit au souverain ; il vénère ses ancêtres ; il a une horreur insurmontable pour tout ce qui est tortueux et louche. Il n’a pris aux religions ou aux philosophies étrangères que ce qui lui révélait à lui-même ses généreux instincts. Il aurait inventé la doctrine de Confucius s’il ne l’avait trouvée en lui. Les enseignemens du bouddhisme n’ont fait que mettre en valeur sa résignation à l’inévitable, sa patience, sa politesse, son mépris de la mort. Tel a été, tel est, tel doit être l’homme japonais. La morale du Bushido complète le shintoïsme, mais sans avouer qu’il avait besoin d’être complété. Elle y introduit, par un détour ingénieux les règles du confucianisme et quelques-unes des vertus bouddhiques. Elle se suspend au dogme de la divinité impériale comme si elle en dépendait.