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sublime, il combat dès les premiers jours, aux côtés de la sœur latine.

Après cela, comment souffrirait-il que sa patrie, la magnanime Amérique, demeurât figée en dehors de la lutte, son visage taciturne tourné vers l’Océan, rouge de sang innocent répandu ? Les yeux voilés du beau pays d’outre-mer ne se rouvriraient-ils pas à la fin, assainis par le vent salutaire qui souffle du haut de tant de vaillance, de tant de vertu, de tant d’horreurs, de tant d’amour ?

Frémissant de remords et de pitié pour les siens, Alan les supplie de regarder avec fermeté le destin. Il leur adresse le « message » de colère et d’espoir, le message ivre de vengeance et d’esprit de sacrifice :

«… Pourquoi tournez-vous le dos à qui vous pousse vers les plus brillans idéals ?… Voulez-vous faire de notre patrie la risée des vieux peuples ? devenir serviles, méprisables et faibles ? être fils d’un pays qui tend l’autre joue ? d’un pays, auquel peu importe si son drapeau flotte bravement, et qui répond à une insulte par une note diplomatique ?… Depuis trop longtemps j’ai quitté nos rivages pour savoir quel état d’esprit est le vôtre, mais, pour moi-même, je sais bien que je me jetterais au milieu des obus et du feu, que je ferais face à des périls nouveaux, et dresserais mon lit en de nouvelles privations si notre Roosevelt commandait… Mais j’ai donné mon cœur et mon bras pour servir, dans un autre pays, des idéals demeurés lumineux, qui, pour vous, s’obscurcissent… Ici les hommes peuvent tressaillir aux accens de leur hymne national parce que la passion, qui monte dans leur Marseillaise, est la même que celle qui enflamme les Français d’aujourd’hui. Quand le drapeau qu’ils aiment passe, ils peuvent, le sein ému et les yeux humides, le regarder en face, car ils savent qu’il flotte encore par la force de leurs mains et la puissance de leur volonté. À travers des périls sans nombre et des épreuves inconnues, chaque homme a fait sien l’honneur de ce drapeau. »

Au moins, une troupe intrépide de volontaires américains aura marché vaillamment et sera obscurément tombée pour la bonne cause :

« …Ceux-ci moururent pour sauver la grandeur de leur pays ; par leur mort, quelque chose, que nous pouvons envisager