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notre devoir et les meilleurs moyens de les défendre contre la ruine imminente ?

Si l’on veut bien, avant de se donner le plaisir toujours facile de critiquer, examiner les derniers travaux exécutés à Chartres et à Reims, — à Reims, où je suis convaincu qu’ils ont contribué efficacement pendant les rafales et les secousses des bombardemens à maintenir et à sauver la rose de la façade occidentale — on devra convenir de bonne foi que la manière d’opérer aujourd’hui n’est plus celle des restaurateurs d’autrefois. Qu’on me permette, pour plus de clarté, d’indiquer très sommairement en quoi ils ont consisté.

Tous ceux qui avaient pu visiter, en montant sur les échafaudages et en les examinant, pierre à pierre, les voussures des porches latéraux de Notre-Dame de Chartres, savent à quel alarmant état de dislocation elles étaient arrivées. Il fallait de toute évidence consentir à l’écroulement de ces chefs-d’œuvre entre tous insignes et sublimes de notre statuaire française ou se résoudre à une restauration radicale. Un vice initial de construction, — nos « maîtres de l’œuvre » eux-mêmes ne furent pas exempts d’erreurs, — était la cause lointaine et organique du mal. Au moment de l’adjonction des porches aux transepts Sud et Nord dont ils sont l’émouvante parure, l’architecte eut l’imprudence de couper les contreforts et provoqua ainsi un « porte à faux » qui fit bientôt sentir ses effets et, jour à jour, éclater les linteaux sur lesquels reposaient les voûtes. Plus d’une fois au cours des siècles, on dut employer des moyens de fortune pour conjurer le danger : crampons de fer, étais périodiquement renouvelés arrêtaient pour quelque temps le progrès du mal, mais n’en pouvaient supprimer la cause toujours agissante. En 1856, on plaça de nouveau de robustes étais assez forts pour soutenir toute la poussée des voûtes et soulager les linteaux épuisés ; mais ce dernier remède était devenu lui-même impuissant. En 1897, il fallut prendre parti.

Un architecte de science et de prudence éprouvée, le regretté Selmersheim, fut chargé de ce travail délicat et qui entraînait de redoutables responsabilités. Il jugea qu’on ne pouvait se dispenser de déposer, pierre après pierre, tous les élémens des voûtes et les sculptures qui les décorent, afin de refaire sur de nouvelles dispositions et en supprimant la cause du mal d’autres linteaux sur lesquels on remettrait en place les anciennes