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Montalivet, de Vitet, de Prosper Mérimée, de Lassus et de Viollet-le-Duc sont restés et resteront à jamais attachés à ce chapitre de notre histoire intellectuelle et morale. C’est d’ici, dans le numéro du 1er mars 1833 de cette Revue, où parut la lettre du comte de Montalembert au vicomte Victor Hugo Sur le Vandalisme en France, que partirent le cri de ralliement et l’appel décisif. Comment rendre à l’a France la parure de tant de témoins mutilés ou branlans de son histoire et de son génie, que les destructions de l’époque révolutionnaire, suivie de plus de trente ans de presque complet abandon encore aggravé par les menées et profanations de la « bande noire, » livraient aux générations nouvelles dans un état de délabrement pitoyable ?

Il ne s’agissait plus dès lors de préserver simplement, mais de restituer, — et c’était un danger nouveau qui allait menacer les glorieux blessés, en faveur desquels les voix les plus éloquentes multipliaient les appels à la pitié et à la vénération du peuple français… Les architectes de Louis-Philippe n’avaient plus, comme ceux de Louis XIV, de Louis XV et de Louis XVI, un style héréditaire à la fois et original, toujours en renouvellement dans la tradition maintenue, sûr de ses principes, fort de ses chefs-d’œuvre, à substituer tour à tour ou a ajouter au gothique « primitif, » « lancéolé » ou « flamboyant, » comme l’usage s’établissait d’en étiqueter les différentes époques. Mais, encore qu’on fût bien loin d’être arrivé au degré de compréhension où les « dissections » d’un Viollet-le-Duc et les leçons d’un Quicherat et de ses continuateurs devaient nous élever, l’intelligence des principes inspirateurs de nos grands constructeurs du moyen âge avait assez fait de progrès déjà pour susciter une « doctrine. » Que de théories, dès lors, de polémiques, d’inévitables et irréparables erreurs !

Quand on écrira l’histoire critique, complète et documentée de la restauration de Notre-Dame de Paris, — (un de nos jeunes confrères en ce moment prisonnier de guerre en Allemagne l’avait projetée et entreprise et reviendra, s’il plaît à Dieu, la reprendre bientôt)[1], — on verra comment évoluèrent, à mesure qu’on avançait dans ce grand travail, et s’élargirent les projets primitifs et la doctrine de ses promoteurs et auteurs. Plus de vingt ans s’écoulèrent de travaux presque sans interruption,

  1. Voyez : La cathédrale Notre-Dame de Paris, notice historique et archéologique, par Marcel Aubert, archiviste paléographe. Paris, Longuet éditeur, 1909.