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replacer les souverains pontifes sur leur siège, c’est pourquoi ils ont bien mérité et obtenu le titre de rois très chrétiens et l’empire dans leur royaume.

Et le clergé de France redisait les succès de In foi chrétienne sur Aquitains et Normands, Saxons et Hongrois, Bohémiens et Polonais, Lombards et Sarrasins ; et tour à tour il demandait quel avait été l’ouvrier de ces succès1 ; et invariablement il répondait : « Gallus… Certe Gallus… Idem Gallus ; le Français, le Français évidemment ; le Français, toujours lui. »

La Vierge elle-même, vers la même époque, s’adressant à Dieu dans le Mystère du siège d’Orléans, et réclamant sa pitié pour la France, lui criait :

C’est le royaume qui tout soutient
Chrétienté et le maintient.

Et dès le XIIe siècle, le trouvère Jean Bodel avait chanté :

Le premier roi de France fist Deus, par son comment,
Coroner à ses anges, dignement en chantant,
Puis le comanda estre en terre son serjant,
Tenir droite justice et la loi mettre avant.

Il était chrétien, il soutenait le poids de la chrétienté, il avait été couronné jadis par les anges de Dieu ; il ajoutait tous ces prestiges au caractère sacré que lui conférait son sacre. « Il est le pugile de l’Eglise, expliquait le juriconsulte Nicolas de Bologne ; et s’il s’entend avec le Pape, à eux deux ils peuvent tout[1]. »

Allaient-ils toujours s’entendre ?… Les lignes du clergé de France que tout à l’heure nous citions ne se déroulaient peut-être en si long méandres que pour amener les quatre mots qui les terminaient : « Les rois ont bien mérité… l’empire dans leur royaume ; » et ces quatre mots survenaient, sinon même toute la lettre, parce que Louis XI et Sixte IV avaient un différend. Derrière cette emphase de chancellerie, derrière ces glorifications presque mythiques, qui sanctionnaient l’ascendant du roi de France, des tentations d’orgueil pouvaient surgir.

Mais ces tentations portaient en elles-mêmes leur remède. L’exemple même de Charlemagne et de saint Louis, le titre

  1. Hanotaux, Jeanne d’Arc, p. 75-77.