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tenir en respect l’aristocratie militaire, toujours menaçante pour sa liberté spirituelle. Ainsi chancelait l’équilibre du fragile et précaire édifice où la Papauté vivait au jour le jour, disgracieusement logée.

Moralement responsable du sort de Rome vis-à-vis des Romains, effectivement responsable des libertés de l’Eglise vis-à-vis de Dieu, le pape Etienne II s’inquiétait. Au déclin de l’année 753, il passa les Alpes, pour aller voir Pépin, fils du glorieux Martel, ce Pépin dont son prédécesseur, le pape Zacharie, avait ordonné qu’il fût roi. Etienne l’implora « pour la cause de saint Pierre et pour la république des Romains. » Pape et roi conférèrent : Pépin accepta d’être « commis par Etienne, — lui et ses fils, — à la protection de l’Eglise et du peuple de Rome. » Le titre de patrice des Romains, dont Etienne décora Pépin, marquait au duc de Rome, — et même à l’exarque de Ravenne, si d’aventure il en existait encore un, — que ces autorités byzantines étaient périmées, et que la seule puissance séculière dont désormais les Romains voulaient entendre parler était celle des Francs.

Astolf, roi des Lombards, apprit bientôt à ses dépens que cette puissance ne chômait point. Deux fois vaincu, il dut rendre au roi des Francs toutes les terres qu’il avait conquises sur l’empire de Byzance : et le roi des Francs les céda « pour toujours » à l’apôtre Pierre. Charlemagne les défendit, les arrondit, et l’acte par lequel le pape Léon III, à la Noël de l’an 800, lit de lui, dans Saint-Pierre, l’empereur des Romains, ratifia cet autre geste par lequel la tutélaire puissance des Francs avait remplacé, près du Pape, l’impuissante et inconsistante tutelle des empereurs de Byzance.

« Pour toujours, » avait stipulé Pépin dans sa donation, Entre la générosité du roi franc et les éloquens et suprêmes plaidoyers d’un Dupanloup réclamant en vain pour le pape Pie IX l’intégrité du don fait au pape Etienne II, onze siècles passèrent. Pépin, pour onze siècles, avait logé la papauté : problème ardu s’il en fut. Jésus la laissa sur terre, derrière lui. Il faut qu’elle s’y enracine, et qu’elle y besogne, et qu’elle s’y tienne à la disposition de tous, à proximité de tous, servante des serviteurs de Dieu ; et d’autre part, pour être respectée, il faut qu’elle apparaisse libre, indépendante de toute souveraineté terrestre, étrangère à toute influence terrestre, dégagée, si faire