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nombreuse. On me demanda si j’avais reçu de tes nouvelles et les larmes étaient toujours prêtes à s’échapper de mes yeux en répondant que non. Il n’y a rien de nouveau pour ce qui nous concerne[1]. Il faut prendre patience malgré soi, mais toujours même bon accueil très aimable. Il y avait ce jour-là la nouvelle mariée Mme Caffarelli[2]. Elle est très belle et très grande, mais quoique ayant été élevée à Paris, elle n’a pas encore la tournure parisienne. Cela vient assez vite !… »

Le général Saint-Cyr avait espéré qu’il serait employé en Italie et qu’il y retrouverait sa chère Constance, mais il avait compté sans le Premier Consul et sans la rupture de la paix d’Amiens : « Voilà, écrit-il le 30 floréal (20 mai), toutes nos espérances de réunion évanouies. J’ai reçu l’ordre de me rendre à Bayonne, et c’est bien loin du pays où nous aurions aimé à nous diriger. Je vais donc doubler de zèle dans les fonctions qui me sont confiées pour être en droit ensuite de demander la destination qui nous rapprochera de toi et de ton mari. » Il allait être employé à Bayonne à l’un des six camps dont le Premier Consul avait ordonné la formation pour constituer sur les côtes une armée puissante et prête à marcher contre l’Angleterre (25 prairial-14 juin). Il désigna, de Namur, le 16 thermidor (4 août), les troupes qui y devaient figurer. Saint-Cyr devait les précéder et les attendre.

Ce départ redoubla la tristesse qu’avait causé à Mme Saint-Cyr celui de sa fille et dès lors commencent les plaintes sur l’absence de lettres ; mais la délicieuse Armande ne pouvait passer sa vie à se lamenter. « J’ai été à Paris cette semaine, écrit-elle le 10 prairial (30 mai), à Villeneuve-l’Étang chez Mme Soult[3], qui m’a chargée de te faire ses complimens ; j’ai été à Saint-Cloud ; j’ai vu Mme Bonaparte qui me demanda de tes nouvelles,

  1. Un emploi de général de brigade et le grade espéré de général de division.
  2. Mlle Julienne d’Hervilly : « Cette jeune dame a été présentée dimanche à Mme Bonaparte. » (Journal des Débats). Elle était la seconde fille de Louis-Charles, comte d’Hervilly, colonel de la cavalerie de la Garde constitutionnelle, maréchal de camp en 1702, blessé le 16 juillet 1795 à Quiberon, mort de ses blessures le 14 novembre suivant, et de Louise de La Cour de Balleroy. Auguste Caffarelli, aide de camp du Premier Consul, était frère de Maximilien, blessé mortellement à Saint-Jean d’Acre, de Philippe, mort à Quiberon, de Joseph, préfet maritime à Brest, de Charles, préfet du Calvados et de l’Aube, de Jean-Baptiste, qui fut évêque de Saint-Brieuc.
  3. Jeanne-Louise-Élisabeth Berg, épousée en 1789 par Nicolas-Jean-de-Dieu Soult, alors caporal.