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sable. Trous, tranchées, abris profonds couverts de toile tendue. Dessus, un soleil cuisant ; dessous, des hommes ruisselans de sueur. Les Wellington Mounted Rifles s’établissent sur une cote particulièrement abrupte que protègent des ensablemens rocheux qui la dominent. Sur le sol, taches grises des roches et taches sombres des broussailles alternent. Des escaliers permettent de monter d’abri en abri, de gradin en gradin. Là, flotte une toile de tente moins fripée ; c’est l’abri du colonel. Tout en bas, au pied même de la falaise, entre mur et vagues ourlées d’écume, une sape longue contient des chevaux, qui paisiblement broient leur avoine. Ainsi, ce peu de terrain conquis dut être organisé pied à pied, transformé en une redoute multiple, car les Turcs eussent-ils réussi dans un nouvel assaut que ces trente mille hommes, ces milliers de chevaux, ces centaines de canons et de mitrailleuses, ces ambulances, ces caissons roulaient pêle-mêle dans la Marmara ! Sous le coup de pareilles nécessités, se révélèrent des talens militaires aussi remarquables qu’imprévus : tel cet avoué d’Auckland, transformé par la guerre en officier, le colonel Malone, qui déploya d’étonnantes facultés d’ingénieur, parvenant à muer le plus périlleux endroit des lignes, le Quinn’s Posten, en un salon de toute sécurité.

Les Néo-Zélandais prirent une part glorieuse aux tristes journées d’août 1915. Lors de l’évacuation des Dardanelles, en décembre 1915 et janvier 1916, ils firent preuve d’une ingéniosité particulière. Il s’agissait de partir sans être aperçus des Turcs. Progressivement, les hommes s’en allèrent, et il vint un moment où ils ne furent plus qu’une centaine à défendre un front que, la veille encore, tenaient des milliers de baïonnettes. Il va sans dire que ces cent hommes se donnaient du mouvement comme s’ils eussent été des milliers, tirant des coups de fusils, jetant des grenades, faisant partir des lance-bombes. Même après leur départ ces bruits variés continuèrent, des cordons à longue combustion faisant partir des mines.

Ainsi put-on dire, non sans mélancolie, que ce qu’il y eut de plus réussi dans l’expédition des Dardanelles… ce fut l’évacuation. Les Turcs gardèrent le gant d’où nous relirions notre main.