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Laubier est des six. Ensuite, deux seulement d’entre eux, en voyant s’abattre un avion, et le pilote et l’observateur broyés sous leur appareil, maintiennent leur candidature, mais Léon de Laubier est des deux. Dieudonné, son cadet, s’engage à dix-sept ans, est nommé brigadier, maréchal des logis, cité à l’ordre du régiment, puis de la division, et va chercher, sous la mitraille, les blessés qu’il ramène sur ses épaules. Quant au jeune Dartige, il est si pressé de courir au feu qu’il invente un nouveau genre de désertion, la désertion héroïque. Il trompe ses chefs, trompe son oncle le jésuite à l’autorité de qui il est confié, saute en fraude dans un train à destination du front, se jette enfin dans la bataille, est blessé au visage, à la main, à la poitrine, perd un doigt, a le corps et la figure zébrés de cicatrices, mais ne s’en porte pas plus mal, et ne tient toujours pas en place, dès qu’il n’est plus en danger !

Cinq fils au front, et qui semblent, tous les cinq, moins relever quelquefois de l’histoire que de la légende, c’est le bilan de famille du marquis de Sieyès de Veynes, cousin germain du comte François de Maistre. Capitaine de réserve, grièvement blessé aux Eparges, et réduit par sa blessure à quitter l’infanterie, l’aîné, Jean de Sieyès, passe dans l’aviation, y multiplie les exploits, et disparaît dans un combat, en incendiant un Drachen. Il survit, mais tombe en Hanovre, où il est retenu prisonnier. Egalement capitaine, le second, Joseph de Sieyès, accourt de Chine où l’a surpris la guerre, passe de la réserve dans les coloniaux, est blessé en Champagne, et rejoint sa compagnie sans avoir pris le temps de guérir. On lui propose de la quitter pour passer dans l’Etat-major, mais il refuse. Il s’est attaché à ses soldats comme ils se sont attachés à lui, ils l’aiment comme il les aime, et il tombera à Belloy-en-Santerre, victime de sa fidélité à ses hommes. Ayant reçu l’ordre d’occuper avec eux un emplacement trop terriblement périlleux, il a voulu l’occuper seul, afin d’exécuter l’ordre, mais les a mis, en même temps, à l’abri de l’extermination ! Le troisième est Jacques de Sieyès. Vingt-trois ans, capitaine et chevalier de la Légion d’honneur, il a livré combats sur combats, obtenu citations sur citations, reçu blessures sur blessures. Un bras cassé par un éclat d’obus, l’autre par une balle, une jambe broyée par une bombe, il lui reste cependant encore assez de lui-même pour pouvoir se faire aviateur, et il y laisse