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Dès la déclaration de guerre, l’abbé Portas était lui-même rappelé sous les drapeaux, et trouvait alors, malgré toute sa tendresse filiale, la force de partir pour le front sans aller embrasser sa mère, afin de lui éviter le déchirement des adieux. Il avait fuit son service au 250e d’infanterie, d’où il était revenu avec les galons de sergent-fourrier, et les raisons qui lui avaient toujours valu partout tant de sympathies lui avaient également gagné celles des soldats. Aimé des jeunes gens de son patronage au point qu’on pouvait l’en dire adoré, il avait aussi conquis très vite l’affection et le respect des -hommes de sa compagnie, et vivait d’ailleurs avec eux sur le pied d’une assez libre camaraderie. Beaucoup, en le retrouvant dans la vie civile, continuaient même à l’y tutoyer comme au régiment, et son lieutenant, aux manœuvres, ne l’appelait jamais familièrement que « le curé, » tout en le respectant beaucoup, et en lui servant même quelquefois la messe.

— Où est le curé ? demandait-il en plaisantant.

Et il s’amusait à ajouter :

— Nous n’avons rien à craindre… Nous avons un curé avec nous en cas d’accident…

La popularité du fourrier Portas remontait donc assez loin, et datait de ses premiers galons, mais devait encore grandir avec la guerre. Sa vaillance au combat n’avait d’égal que le dévouement avec lequel il se jetait à genoux auprès des blessés et des mourans pour les secourir ou les absoudre, et tant de bravoure et de charité touchaient les âmes les plus dures. On le trouvait toujours aussi prêt à exercer son ministère qu’à faire le coup de feu et, dès les premiers jours de la guerre, il était nommé sous-lieutenant, à la bataille de Bapaume. Sur le point de commencer sa messe lorsque était arrivé l’ordre de partir, il avait aussitôt quitté ses ornemens, rejoint son poste, et son commandant de compagnie écrivait quelques jours après, à l’archiprêtre de Nontron : « C’est sur ma proposition, et pour sa belle conduite sur le champ de bataille de Bapaume que votre vicaire, M. l’abbé Portas, a été nommé sous-lieutenant. Il a fait bravement son devoir sur la ligne de feu comme sous-officier, mais il l’a fait aussi comme prêtre. Il avait promis les secours de la religion à ceux qui les lui demanderaient ou l’avaient prié de les leur porter. Sous une pluie de balles, il allait d’un blessé à l’autre, encourageant celui-ci, recueillant de