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sont d’une venue, sans talons : beaucoup y ajoutent une faveur qui les retient aux pieds en formant différens contours au bas de la jambe ; cette manière est jolie… On voit beaucoup de gazes brillantes sur les têtes ; mais je n’en aime pas l’effet. En voilà, je crois, bien assez pour un général d’armée. »

Ainsi s’efforce-t-il de calmer les justes ressentimens d’une Grenobloise qui, depuis quatre mois que son mari réside à Paris, a vainement sollicité d’y faire un séjour. Aussi « Armande a remplacé le père Duchêne dans ses grandes colères, » et Dubayet fait le niais lorsqu’il lui écrit : « Je ne sais pas trop pourquoi cette belle citoyenne se fâche tout rouge. » Elle lui fit grâce pourtant, quoique, au dire de Barras, bon juge, « il fût peut-être un peu léger dans sa vie privée ; » pourquoi il la tenait à Grenoble. Ayant décidément triomphé de ses détracteurs, — dont le principal, le représentant Maribon-Montaut, venait d’être décrété d’accusation, — « le général en chef de l’armée des côtes de Cherbourg, » comme il signait ses lettres à son épouse, porta, le 7 floréal an III (26 avril 1795), son quartier général à Alençon. Il succédait à Hoche qui n’avait point voulu garder, au milieu des négociations entreprises pour la pacification de la Vendée, le commandement de deux armées, mais qui donnait l’impulsion. Des opérations de détail telles que le combat de Château-Neuf, le 25 messidor (3 juillet 1795), la mort de Cadou, l’arrestation de plusieurs chefs, le rétablissement des communications entre Alençon, le Mans, la Flèche et Angers n’eussent point forcé la renommée, mais Annibal employa les bons moyens. Dès la nouvelle de la victoire de la Convention sur les sectionnaires parisiens, il écrivit à son ancien collègue Letourneur que, s’ils avaient vaincu, « son plan était fait pour tirer la Convention d’affaire. Par ses dispositions, en deux jours, Paris était aux abois sans tirer un coup de fusil, et la Convention triomphante était rendue à son indépendance et faisait rentrer dans le néant les hordes scélérates des Royalistes qui, depuis longtemps, feignent de proclamer la souveraineté du peuple pour mieux lui donner un maître. »

Lue à la Convention, cette lettre classa au premier rang des amis du régime celui que son attachement à la Constitution de 91 et son plaidoyer pour La Fayette avaient rendu suspect et que sa défense de Mayence et ses campagnes en Vendée n’avaient pu réhabiliter. Il est vrai qu’il était avec Barras en