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Wurtemberg et en Bavière les ministères Varnbüler et Hohenlohe rencontrent une forte opposition. L’on en revient toujours au plan des années précédentes : que la France tire l’épée pour sauver les monarchies méridionales ; alors la rive gauche lui appartiendra, et peut-être même pourra-t-elle reconstituer à son profit la Confédération du Rhin. Cette combinaison se dessine dans un entretien du grand-duc de Hesse avec le général Ducrot, en 1868. À ce moment, la Hesse a déjà dû céder à la Prusse ses postes et télégraphes, et Bismarck, par un coup de force, vient de mettre la main sur l’administration de l’armée. Le grand-duc a lui-même mandé à Darmstadt le commandant de notre sixième division militaire, et, le considérant comme un des personnages les plus considérables de France, il lui adresse une prière instante. Il souffre de voir ses troupes obéir à une autre autorité que la sienne. Il sait qu’en cas de guerre la première chose que fera la Prusse, ce sera de les lui enlever pour en disposer comme elle le jugera bon, ce sera de les disperser de telle façon qu’elle les ait en sa puissance, sans révolte possible. Il s’indigne de voir les couleurs prussiennes s’étaler, en face de son palais, sur les bâtimens de la poste. Il n’a donc qu’un seul recours, c’est la France. Il rappelle les souvenirs de la Confédération du Rhin, parle des aigles du premier Empire que ses régimens ont conservées comme de précieuses reliques, évoque la fidélité de ces Hessois qui ont été nos derniers alliés après nos désastres d’Espagne et de Russie. Est-il possible que nous l’abandonnions ? Il souhaite la guerre, la guerre que nous ferons contre la Prusse. Il nous accorde tout ce que nous voudrons, si nous consentons à le sauver, et il nous promet d’avance les territoires qu’il possède sur la rive gauche du Rhin, dans l’espoir que nous lui trouverons ailleurs une compensation. « Venez, dit-il à Ducrot, je resterai seul au milieu de mon peuple, qui est et restera toujours mien. Je vous attendrai, je me livrerai sans hésitation entre vos mains, je me confierai à la générosité de votre Empereur ! Qui sait ? C’est peut-être vous, général, qui me ferez prisonnier. Vous ne me maltraiterez pas trop, n’est-ce pas ?… »

Il est certain que, dans le pays rhénan, l’on n’a éprouvé aucune joie à revoir l’armée des Hohenzollern campée à nouveau dans les territoires qu’elle avait évacués au moment de Sadowa. A beaucoup l’avenir parait sombre, et un certain