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Il était né à Bonn en 1802 dans une famille où l’on ne parlait que le français, et son père, comme il le raconta en 1874 à L. Kaufmann, était un admirateur enthousiaste de Napoléon. Étudiant en 1818 dans sa ville natale, puis en 1822 à Berlin, il devint en 1823 auditeur, puis référendaire au service de la Prusse. Une poésie qu’il écrivit sur la Révolution française de Juillet le fit chasser de son emploi. Alors il s’adonna à l’étude de la vieille littérature germanique dont il traduisit en allemand moderne les plus anciens monumens. Professeur ordinaire à l’Université de Bonn dès 1850, il était désormais notre adversaire, et il agit par son enseignement sur plusieurs générations d’étudians.

Pourtant de telles conversions demeurèrent assez rares. C’est qu’en effet rien n’était changé dans l’attitude de la Prusse à l’égard des populations annexées. La guerre religieuse, sourde et hypocrite, ne cessa jamais. Les demi-libertés, accordées par la constitution, sont peu à peu subrepticement retirées, et toutes les vexations provoquent de l’irritation, souvent des manifestations hostiles.

La population est toujours française, non seulement dans les régions annexées par la Prusse, mais encore en Hesse et dans le Palatinat, et elle le demeurera pendant toute la durée du second Empire. En 1857, sur la demande du roi Maximilien de Bavière, Riehl écrit un gros volume sur le Palatinat. Comme il ne peut décemment crier à son protecteur le peu de loyalisme qu’il a constaté, il essaye de nier, ou bien il trouve des palliatifs et des formules consolantes. Selon lui, il est faux de penser, comme on le raconte, que les habitans de la région veulent devenir Français ; ils ne se soucient ni d’être Français, ni d’être Prussiens, ni même d’être Allemands ou Bavarois ; ils sont tout bonnement du Palatinat, et c’est comme tels qu’ils se sentent Bavarois ou Allemands. Pourtant, au milieu de ces déclarations, d’autres se font jour qui les démentent. Passant dans un cimetière juif, l’auteur y a vu des pierres tombales récentes, sur lesquelles l’écriture hébraïque était accompagnée de sentences françaises. Il remarque que les décrets et arrêtés français de grande voirie sont encore en vigueur dans tout le pays, que c’est de la Constitution de l’an III que les habitans font dater l’organisation politique de leur province, et qu’ils demeurent très attachés à tout ce que la France leur a apporté.