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Mais le Landtag à qui incombait la révision avait supprimé pour l’armée l’obligation de prêter serment à la constitution, et la haute direction de l’Eglise évangélique était remise à la couronne. Quoiqu’ils eussent obtenu une certaine indépendance confessionnelle et que la surveillance de leurs écoles primaires eût été confiée au clergé catholique, les Rhénans se rendaient parfaitement compte que la Prusse était toujours la même et que les concessions religieuses avaient leur source dans le désir d’enrôler les prêtres au service de la réaction. D’inquiétantes réserves ménagées dans le texte, quelques lacunes que devaient combler des règlemens futurs, tout cela inspirait à la population des sentimens de grave insécurité. On aimait à dire que la tyrannie russe était plus franche que l’oppression prussienne. Surtout, on savait que le souverain avait personnellement pesé sur les décisions du Landtag, et que, sur sa demande expresse, de nouvelles restrictions avaient été votées. Le malaise s’accrut encore lorsque la constitution fut promulguée et que le Roi prêta serment : « La constitution, dit-il, est née dans une année que la fidélité des générations futures voudra effacer de l’histoire de Prusse à force de larmes, et partout encore elle porte le stigmate de son origine. Amendée comme elle l’est, cependant, je puis la jurer. Je le puis, dans l’espoir que l’on me rendra possible de gouverner avec elle. »

Le ministère Manteuffel, formé le 6 novembre 1850, s’efforce de mater la démocratie avec l’aide des orthodoxes protestans qui décidément sont les maîtres. Les conservateurs prussiens, acharnés dans l’assouvissement de leur vengeance, profitent de l’ordonnance du 5 juin 1850, qui limite à nouveau la liberté de la presse, pour entamer de nouveaux procès, et, en même temps, ils poursuivent tous les délits politiques commis pendant la Révolution. Nombreuses sont les condamnations dans le pays rhénan. La Gazette de Trêves est supprimée et la Gazette de Cologne, qui va bientôt se résoudre à devenir définitivement l’avocat de la Prusse, se sent en péril. A Berlin, la Gazette de la Croix reproche aux journaux rhénans de fausser l’opinion et de la franciser. Le 16 août 1851, Frédéric-Guillaume IV passe à Cologne. Outré de l’opposition que son gouvernement rencontre, il répond à une délégation de la municipalité par un flot de paroles comminatoires : « Je ne suis pas venu pour vous faire des complimens, mais pour vous dire la vérité et toute la