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comme sur la cité romaine le palladium antique ! » Un autre jour, il rappelait « la protection séculaire de la Vierge Marie, sur notre patrie bien-aimée. » « Elevons, s’écriait-il, nos âmes chrétiennes et françaises vers la mère des douleurs et des espérances… » Et, se tournant vers ceux qu’en d’autres temps ce langage aurait pu surprendre et faire sourire : « D’autres me liront, écrivait-il, sans s’étonner de cette explosion de mes pensées intimes. Je leur dirai, bien qu’ils ne partagent pas ma foi, les mêmes et viriles paroles. Vous aussi, grandissez vos âmes à la hauteur de la patrie. Elle vous demande plus qu’à vos fils. Eux, ils donnent leur vie, dans l’enthousiasme du combat, vous, vous donnez la vôtre, dans le silence de l’attente et le devoir ignoré[1]. »

Il donnait, lui, la sienne sans compter. Son article quotidien n’était que la moindre de ses « œuvres de guerre ; » il se dépensait dans une foule d’utiles besognes de charité et de dévouement patriotique. Il avait, dès les premiers jours, d’accord avec le gouvernement, organisé son bataillon sacré, ces aumôniers militaires, dont on ne saurait s’exagérer la part d’action dans le merveilleux moral de nos troupes, et donc dans les victoires françaises. « Ce sera la plus belle œuvre de ma vie, » déclarait-il dans l’un de ses derniers articles. La plus belle ? Je ne sais ; mais probablement la plus pratiquement utile, et, dans l’ordre spirituel, la plus lointainement efficace. Si, comme nous l’espérons tous, la « mentalité » populaire en France est changée après la guerre, les aumôniers volontaires y auront largement contribué, et, par l’esprit d’apostolat et de sacrifice dont ils auront fait preuve, l’une des plus hautes pensées d’Albert de M un se prolongera, se réalisera peut-être après lui.

Non content enfin de soutenir et de réconforter les Français de l’arrière, il s’adressait aussi Aux soldats : tel est le titre d’une « proclamation » qu’il publiait dans le Bulletin des armées, et qui dut, à la veille des grandes batailles, exalter et redresser, sur le front, bien des courages. Cet « ancien » parlait si bien le fier langage militaire, élevé, précis et simple qui convient à l’héroïsme français ! Il disait si bien, en termes si chaleureux, si forts, si émus, tout ce qu’il y avait à dire, tout ce que chaque

  1. La guerre de 1914, p. 64, 50, 67.