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ses lecteurs. Au reste, parmi ses appréhensions et ses inquiétudes, de joyeuses consolations lui venaient, lui apportant la preuve qu’il ne prêchait pas dans le désert. Non seulement la jeunesse, par « l’accueil chaleureux » qu’elle réservait à ses vibrans articles, « soutenait son labeur » et « récompensait son effort. » Mais même dans les milieux politiques, il y avait quelque chose de changé. Au ministère qui avait, tant bien que mal, — et plutôt mal que bien, — paré le « coup d’Agadir, » en avait succédé un autre qui, en plus d’une circonstance, s’était montré particulièrement soucieux de la fierté et de la dignité nationales. Les Chambres avaient porté à la première magistrature du pays l’homme que l’instinct populaire leur avait désigné comme étant le plus capable, dans les difficiles conjonctures présentes, de présider aux destinées de la France, et le nouveau Président, à peine installé à l’Elysée, encourageait ses ministres à proposer le rétablissement de la loi de trois ans. Cette loi, qui nous a probablement sauvés d’un désastre, n’a pas eu, dans l’opinion et dans la presse, d’avocat plus chaleureux, plus persuasif qu’Albert de Mun, ni ses adversaires de contradicteur plus compétent, plus vigoureux, plus pressant. Sans lui, je n’ose dire, n’en sachant rien, que cette loi de salut national n’eût point été votée ; mais qu’il ait contribué à la faire voter, à créer en sa faveur, dans l’esprit public, une atmosphère de confiance et de lucide résolution, c’est ce qui me paraît indéniable. Au terme de sa campagne, l’auteur de l’Heure décisive pouvait se rendre le témoignage qu’il avait très efficacement travaillé à l’œuvre de défense nationale, et que, en partie grâce à lui, la France était « prête, quels que fussent les événemens, à remplir fièrement la mission qu’elle tient de sa glorieuse histoire. »


III

28 juillet 1914. Albert de Mun est à Roscoff. Depuis cinq jours, l’universelle tension diplomatique créée par l’odieux ultimatum de l’Autriche à la Serbie tient les esprits en suspens ; les nouvelles s’aggravent ; l’attitude de l’Allemagne est énigmatique et inquiétante ; on s’attend d’un instant à l’autre à la déclaration de guerre autrichienne. Albert de Mun écrit un