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par le mépris, et qui font ainsi, dans le sacrifice de leur liberté, le dernier, le plus magnifique, le plus décisif usage de la liberté elle-même. » Mais comme des considérations de ce genre, si justes et si éloquentes qu’elles fussent, étaient trop métaphysiques ou trop mystiques pour agir sur une Chambre française, l’orateur, dévoilant toute sa pensée, faisait appel à un ordre de sentimens et d’idées qui aurait dû emporter toutes les résistances :


Pour nous, — déclarait-il, — puisqu’on nous offre de nouveau le combat, nous y retournons avec une très ferme résolution, mais aussi avec une très grande tristesse. Et cette tristesse n’a pas seulement pour objet des hommes et des choses qui nous sont chers et que vous menacez ; elle a d’autres causes, et plus profondes encore : c’est une tristesse patriotique.

Au-dessus des disputes, des passions, si vous voulez, des excès de tous les partis, il y a un fait qui domine l’histoire de ces dernières années. C’est l’immense, l’universelle aspiration de ce pays vers l’apaisement et la réconciliation. C’est le désir impérieux de voir enfin les cœurs se rapprocher et les volontés s’unir dans le service de la patrie, dans le commun dévouement à sa grandeur.

Au milieu de cette variété que j’ai dite, des idées, des opinions, des croyances, qui divisent nos générations, il semble qu’à la place de l’unité des intelligences et des âmes, désormais brisée, qu’aucune force humaine ne peut rétablir, grandisse et se fortifie toujours davantage le sentimentale besoin, la nécessité de la concorde patriotique. Dans l’écroulement de toutes les institutions du passé, dans le déchirement des liens qu’elles avaient formés, l’idée de la patrie devient chaque jour plus puissante, et, par un secret instinct, la foule embrasse plus étroitement son image sacrée, comme la cité romaine le palladium antique, pour lui demander de rétablir entre les citoyens l’harmonie rompue : et c’est là, dans ce concours de tous au bien public que peut se rencontrer seulement cette unité morale que vous cherchez vainement dans les lois et dans les décrets[1].


Hélas ! ces nobles accens, s’ils provoquèrent des « applaudissemens répétés, » ne touchèrent ni les esprits, ni les cœurs. Après la loi sur les associations, ce fut toute la série des mesures, à la fois illégales et injustes, contre les congrégations

  1. Discours et écrits divers, t. VII, p. 261, 241-242, 267-268.