Mencière se sert de principes chimiquement définis, l’iodoforme, le gaïacol, l’eucalyptol, l’acide benzoïque, auxquels il associe le baume du Pérou. Ces principes sont à la fois des antiseptiques puissans et, sauf idiosyncrasies toutes spéciales et très rares pour l’iodoforme, ce sont des produits inoffensifs pour l’organisme, puisque les médecins les prescrivent fréquemment à l’intérieur. L’acide benzoïque, par exemple, qui est un antiseptique d’une grande puissance, s’ordonne couramment per os à la dose d’un gramme et plus par jour.
Faisons dissoudre 1 gramme d’acide benzoïque et 5 grammes de gaïacol dans un litre d’eau. Nous obtenons ainsi l’eau dont se sert Mencière pour le lavage des plaies. Si dans un bocal renfermant cette eau, nous mettons un fragment d’une cuisse amputée, celle-ci se conservera indéfiniment, et son aspect restera normal, tellement sain que le grain de la peau ne changera en rien.
Nous reconnaîtrons toujours admirablement, même au bout d’un temps très long, l’ecchymose que présente précisément le fragment d’organe que nous avons choisi. Une moelle, immergée dans l’eau Mencière, présente encore son aspect frais normal, après cinq mois d’immersion, montrant jusqu’à l’évidence le pouvoir conservateur et la non-nocivité pour les tissus, du liquide employé, même quand il s’agit d’un organe aussi délicat que la moelle.
Sortons de l’eau le fragment de cuisse dont nous avons parlé, et mettons-le à l’air, il se dessèche alors sans se putréfier et prend l’aspect des chairs boucanées. Sa conservation est devenue indéfinie, sans offrir aucune odeur désagréable. Puis, si on veut poursuivre l’expérience, il suffit de le plonger pendant deux à quatre jours dans l’eau de Mencière, pour qu’il reprenne sa souplesse, sa couleur, son aspect d’avant la dessiccation.
Une expérience analogue faite avec le liquide parent du précédent que Mencière appelle « solution pour embaumement » (éther alcoolisé au dixième renfermant gaïacol, eucalyptol, iodoforme, baume du Pérou) ; montre un phénomène de conservation indéfinie absolument semblable. Retiré et mis à l’eau, le dessèchement du tissu immergé se fait toujours sans putréfaction, mais ce tissu prend la couleur, la consistance, l’aspect des momies. C’est la résurrection, par un procédé différent, de l’art consommé qu’avaient acquis les Égyptiens dans la momification.
Si nous plaçons dans ces liquides une portion gangrenée d’un membre amputé, elle se conserve indéfiniment en perdant toute odeur désagréable et avec un arrêt total des processus gangreneux.