nombre imposant de « bananes[1] » qui garnissent sa croix de guerre, rien n’altère sa simplicité, sa gaieté d’adolescent.
Quelle peut être sa méthode, demanderez-vous, ou mieux « son truc » pour abattre ainsi les Boches à la douzaine ? Interrogez-le : je doute que vous obteniez une doctrine absolument positive de « l’As des As. » Ce n’est pas qu’il garde son secret, mais plutôt parce que je crois qu’il n’en a pas. À part quelques principes fondamentaux, communs aux pilotes de chasse entraînés, Guynemer est avant tout, et plus que les autres, un improvisateur de génie qui subordonne sa tactique à celle de l’ennemi poursuivi, ainsi qu’aux circonstances ambiantes. Son secret ? C’est son inlassable activité, sa volonté de fer qui dompte tous les obstacles, ses connaissances techniques, le soin qu’il prend de ses appareils, son « mordant » supérieur à tous, le tour de main que lui donne l’entraînement.
Au début de ces notes je me suis étendu sur les impressions d’une rencontre banale afin d’en faire apprécier aux profanes les angoisses et les difficultés ; par ce simple récit j’ai pensé qu’ils comprendraient mieux le caractère et la carrière de Guynemer dont c’est là le pain quotidien. Qu’on me permette maintenant quelques généralités sur les qualités essentielles des « chasseurs » en général : elles jetteront plus de lumière encore sur cette jeune et héroïque figure dont l’histoire s’empare déjà.
Le coefficient offensif d’un pilote de chasse est fonction de trois principaux facteurs. Le premier, essentiel, est une jeunesse, un entrain, une surabondance de vie qui permettent de surmonter la dépression physiologique et psychologique, l’espèce de « Nirvana » dans lequel plongent le froid, plus encore la raréfaction de l’air, et de garder aussi intactes que possible les facultés volitives qui poussent à attaquer et à vaincre. Nos moteurs eux-mêmes perdent 30 pour 100 de force en chevaux, du fait de l’altitude ! Conserver ses moyens est cependant moins une question d’athlétisme et de santé, l’exemple de Guynemer le démontre suffisamment, que de vigueur morale pour les uns, d’enthousiasme, de diable au corps, comme disaient si plaisamment nos pères, pour les autres. Un sujet maigre aura souvent plus d’activité qu’un tempérament gras et musclé. Cette résistance exceptionnelle, tant animale que
- ↑ Palmes.