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Exige-t-elle donc tant d’efforts, cette carrière attrayante qui leur semble si pénible aujourd’hui ? Des camarades sont blessés, d’autres ont été changés d’appareil ou même définitivement radiés pour incapacité ! Durant des jours et des mois, ceux qui restent regarderont, les pieds dans la boue, voler les autres en attendant leur tour de monter, avec la menace d’une faute toujours possible qui compromettra à jamais leurs espoirs !

Demain, espèrent-ils chaque soir en s’endormant, le dernier « triangle » triomphalement terminé clôturera ces temps d’école, image tragique parfois des amers collèges de jadis ; vers le front où tendent leurs rêves ils prendront un enthousiaste essor !


Le brevet. — Le grand jour est arrivé : la ruche essaime ! Ses épreuves de hauteur et de spirale subies avec succès, l’élève va affronter son premier voyage à travers la campagne, 300 kilomètres en triangle avec deux atterrissages obligatoires.

Depuis la veille, l’appareil est prêt, plus nerveux, plus puissant que le vulgaire « taxi » coutumier. À l’entrée du hangar, aux premières lueurs de l’aube, les mécaniciens l’ont roulé : ils y jettent un dernier coup d’œil. Chefs pilotes et moniteurs assemblés discutent le temps probable et scrutent les profondeurs du ciel avant de lâcher leur poulain. Tout est en ordre : le futur breveté enjambe la carlingue, le cœur serré d’une angoisse inconnue. Comme l’hirondelle au bord du nid, il mesure l’espace et hésite à prendre son vol. Hors des champs familiers où poussèrent peu à peu ses ailes, il va s’élancer seul désormais à travers le monde. Durant plusieurs heures, il combattra le froid, la dépression de l’altitude, auxquels les brèves envolées du temps d’école ne l’ont que partiellement entraîné. Aux luttes tenaces contre l’air et les vents, où s’épuiseront ses forces malhabiles, s’ajoute la préoccupation nouvelle de la carte à lire, de la route inconnue à suivre ! Matin plein d’incertitude où se joue sa carrière : le soir verra-t-il son triomphe, son piteux échec ou pis encore ?

Le chef pilote s’approche une dernière fois et renouvelle ses conseils : « Montez haut, le vent est plus régulier… attention à la cloche à huile… jamais plus de 1 100 tours… suivez la