encore, dont je n’ai pas l’habitude, m’éloignent pour toujours du Grand-Opéra. Nous ne pouvons pas nous entendre sur le choix des acteurs, sur le choix des sujets des pièces, ni même sur leur exécution ; ce sont des discussions interminables, et l’ouvrage, dirigé à la fois de deux manières différentes, par vous et par moi, se trouve, comme Dom Sébastien, n’avoir plus ni unité, ni physionomie, et arrive à être joué à peine une fois par mois. Enfin, nos traités, même les plus formels et les plus précis, offrent toujours des difficultés dans leur interprétation ou dans leur exécution.
Depuis votre arrivée à la direction actuelle de l’Opéra, le Duc d’Albe doit être représenté ; il faut qu’il le soit ou que l’indemnité qui nous est due soit payée… EUG. SCRIBE.
Donizetti était alors absent de Paris : il avait fait un voyage à Vienne, où l’appelaient ses fonctions de maître de chapelle de la cour d’Autriche. On pouvait invoquer ses intentions d’une ou d’autre part, tandis qu’il était loin, et d’ailleurs sa mémoire s’affaiblissait sensiblement. Scribe ne s’appuie pas trop sur les intérêts du compositeur qu’il sépare nettement des siens. Il redit pour son propre compte, avec moins de fantaisie que dans son vaudeville l’Ours et le Pacha, le fameux : « Prenez- mon ours ! » de Lagingeole. Entre ses mains, l’arme était dangereuse, maniée avec une persistance qui ne se démentait pas. Deux jours après, troisième lettre de Scribe à Léon Pillet, où l’auteur toujours pressant cache, sous une apparence de bonnes dispositions, une volonté non moins arrêtée :
Le 10 mai 1844.
Je vous remercie, mon cher ami, des faits que vous avez la bonté de me rappeler. Loin de les nier, je m’empresse d’en prendre acte, car ils prouvent combien, dans tous les temps, j’ai cherché, même aux dépens de mes intérêts d’auteur, à servir vos intérêts de directeur et à vous être agréable de toutes les manières.
Oui, je n’ai point oublié les conversations dont vous me parlez. Oui, pour vous tirer de l’embarras où vous mettait le Duc d’Albe, je consentais à perdre les 24 000 francs qui me