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l’abri d’une duperie quelconque. Pour notre modeste mission, pour nos très modestes personnes, le succès était si imprévu qu’il nous rendit plutôt un peu sceptiques. Nous étions loin de prévoir, alors, sur les complaisances de la diplomatie suédoise, ce qui s’est découvert depuis. Cependant une sorte d’instinct nous faisait craindre que les sincérités mêmes d’une nation si raffinée ne fussent teintées d’habiletés savantes. Mais nous fûmes heureux, certes, et nous nous applaudîmes justement de voir que le prétexte fourni par notre présence, aidé des circonstances générales, avait paru suffisant pour donner corps à une manifestation française où nos amis suédois fraternisèrent avec les membres de notre colonie. Nous pûmes, là, serrer bon nombre de mains affectueuses et loyales. Si, dans cette fête, ! e souvenir du banquet hollandais de Wittebrug nous hanta malgré nous par son émotion incomparablement française, nous n’en fûmes pas moins touchés par tous les témoignages d’admiration et de respect que nous entendîmes formuler sur notre pays. Même platoniques, même rétrospectives, ces démonstrations, qui parfois ressemblaient à des protestations et paraissaient vouloir dissiper une méprise, n’étaient pas moins appréciables, et il est de toute justice de les enregistrer. Peut-être, au fond, la France compte-t-elle en Suède plus d’amis chauds qu’il ne s’en peut déclarer à l’heure actuelle : notre pays peut accorder à leur timidité un crédit généreux. En attendant, l’éloge de la France scientifique, qui tomba ce soir-là (21 mai) de la bouche la plus autorisée pour le formuler, mérite d’être relevé.

Le savant Arrhénius, maître incontesté de la physico-chimie dans les pays Scandinaves, avait accepté avec empressement de présider ce banquet franco-suédois. Ancien hôte de la France, membre correspondant de notre Académie des Sciences, lié naguère avec les regrettés Henri Poincaré et Darboux, et aujourd’hui en relation avec MM. Painlevé, Gaston Bonnier, Haller et leurs confrères, il rappela dans son toast, avec un grand à-propos, que les titres de la France dans la science pure n’égalaient pas seulement, mais surpassaient aujourd’hui, contrairement à l’opinion courante, ceux des nations les plus réputées. « Je profite de cette occasion, » dit-il en propres termes, « pour corriger une erreur courante, même en France, que la France aurait à cet égard une position plus modeste que l’Allemagne. »