d’une profonde tristesse en songeant au temps présent ? Cependant Mgr Söderblom m’introduisait lui-même, comme pro-chancelier de l’Université, auprès de mon nouveau public, une centaine de personnes groupées dans une salle de cours. J’avais plaisir à y saluer le Président de l’Alliance française, M. le professeur Staaff, qui continue la tradition de son oncle, ce colonel suédois qui composa de très belles anthologies françaises, bien connues des hommes de ma génération. Cette première conférence devait être suivie d’une seconde, qui me fut demandée le soir même à la réception chez l’archevêque, de sorte que je ne devais point quitter la Suède sans avoir rappelé par deux fois à Upsal les traits de la France, la première fois à travers Michelet, la seconde à travers le héros d’Aubigné. M. le pasteur Edouard Soulier, de son côté, récidivait sur des instances pareilles, et parlait sur la question religieuse en France, et notamment sur « l’union sacrée » du protestantisme et du catholicisme, confondus dans la même foi en la patrie et dans la certitude de ses glorieuses destinées. Paroles utiles à faire entendre, puisqu’elles ne provoquèrent pas moins de surprise que de sympathie. Évidemment, on ne « voit » pas très bien, en Suède, la « vraie France. » L’image que depuis un demi-siècle on s’en fait ressemble un peu à ces peintures religieuses du moyen âge récemment découvertes en Scandinavie, où l’on démêle des traits et une couleur qui durent être admirables en leur temps, mais que les archéologues attentifs peuvent seuls restituer, tant elles ont été altérées par les badigeons successifs sous lesquels une main moderne les a ensevelies. Inutile de dire quelle main posa depuis 1870 ces couches de badigeon, et de quelle maîtresse façon la nation qui se fait de l’organisation un monopole conduisit ce bel ouvrage.
Déjà dans une conversation à Upsal, tenue chez l’archevêque même, et bientôt après à Stockholm, je sentis combien il s’en fallait que l’opinion en Suède fût « au point » en ce qui concerne la France actuelle. Non pas cependant que la Suède nourrisse contre la France une animosité foncière : le pourrait-elle, lorsque de tout temps la France l’a louée, choyée, lorsque ses écrivains l’ont célébrée, ont consacré à ses grands hommes les études les plus flatteuses, bref, qu’ils ont déterminé à leur sujet un mouvement général de sympathie, d’estime, qui allait jusqu’à les surnommer les « Français du Nord ? » Aussi la Suède, nation