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Que serait la paix qu’on nous propose par des intermédiaires et avec des modalités variées ? Tout uniment le vasselage économique des États, le servage personnel des individus à l’égard de l’Allemagne. Les pratiques antérieures du gouvernement impérial l’ont montré s’acheminant délibérément dans cette voie ; ses publicistes les plus qualifiés le révèlent résolu à reprendre per fas et nefas sa course vers l’hégémonie commerciale, dès que les circonstances le lui permettront.

Sans doute, la perspective de cette pleine liberté d’expansion revendiquée par l’Allemagne, pour elle-même et pour les autres peuples, est de nature à séduire certains de nos économistes, ainsi que quelques intérêts particuliers qui se couvrent volontiers de principes abstraits ; mais, comme le disait le célèbre Bastiat, il faut à la fois considérer « ce que l’on voit et ce que l’on ne voit pas » ou ce que l’on voit mal, pour comprendre ce qu’est exactement la liberté économique à la mode allemande.

Deux exemples topiques suffiront à déterminer celle-ci : l’article 11 du traité de Francfort et la méthode commerciale généralement dénommée dumping.

Chacun sait, ou à peu près, quel est cet article 11 ; ses origines et ses conséquences sont moins connues. Il a stipulé, pour aussi longtemps que devait durer le traité lui-même, c’est-à-dire à perpétuité, que la France et l’Allemagne promettaient réciproquement à leur commerce le traitement de la nation la plus favorisée parmi les cinq ou six puissances, grandes ou petites, qui les environnent ; si bien que la France ne pouvait faire aucune concession douanière à la Grande-Bretagne par exemple, ni l’Allemagne à l’Autriche-Hongrie ou à la Suisse, sans que l’autre partie contractante en bénéficiât de plein droit. Ce que l’on sait moins communément, c’est que l’initiateur de ce texte était la France elle-même, qui craignait alors et que l’Allemagne cherchât à fermer l’accès de son marché tant à nos vins qu’à nos produits de luxe, et que M. de Bismarck nous imposât la reprise des tarifs en usage avant la guerre de 1870 avec le Zollverein et ne nous privât ainsi d’une ressource fiscale utile pour protéger nos industries nationales, affaiblies par les hostilités, ou pour nous procurer les recettes destinées à rétablir notre budget déséquilibré.

Le système se défendait fort bien à l’époque où il fut