« formidable crue de travail et de richesse[1] » qui venait d’Allemagne ; efforts encore timides pour limiter par les seuls moyens d’usage classique les effets de cette force inouïe d’expansion qui portait les Huns à ruiner méthodiquement leurs émules pour s’ouvrir des marchés et se procurer des terres de peuplement.
A la veille de la présente guerre, l’Allemagne voyait le monde se ressaisir peu à peu et préparer des défenses variées contre ses visées et ses menées envahissantes. Elle s’était déjà aperçue, aux environs de 1906-1907, qu’il avait suffi d’une crise commerciale aux États-Unis pour arrêter l’immigration de la main-d’œuvre européenne et mettre du même coup aux bords de la faillite ses plus grandes compagnies de navigation. Elle prit peur que, l’un après l’autre, chacun des grands États se fermât plus ou moins à son commerce d’exportation ; qu’un grand nombre de ses industries ne se vissent obligées de se restreindre, sinon de s’arrêter complètement. Elle appréhenda que son édifice financier tout entier n’en fût ébranlé, que ses masses ouvrières, déjà fort inquiètes de voir, depuis dix années, le prix des denrées alimentaires s’élever deux fois plus vite que le taux des salaires, ne fussent jetées par-là dans la gêne et peut-être dans la révolution. Elle se décida donc à conquérir par la force ce que l’on semblait désormais résolu à refuser à ses menaces brutales et à ses captieuses négociations. Elle se résolut à la guerre.
« Ce sont, a dit à Stockholm en juin 1917 un socialiste majoritaire particulièrement bien en cour à Berlin, le docteur David, ce sont des causes économiques profondes qui ont créé, avant la guerre, la tension belliqueuse dans les esprits. La concurrence impérialiste pour la jouissance des matières premières venant des colonies, la lutte pour les marchés et le placement des capitaux se sont particulièrement envenimées depuis que l’Angleterre s’est alliée avec la France et la Russie pour encercler l’Allemagne et empêcher le développement économique de ce dernier pays en l’isolant politiquement. »
Et, s’il était besoin d’un fait officiel pour confirmer cette appréciation si juste des choses, qu’on se rappelle et qu’on n’oublie jamais que jusqu’à la toute dernière minute, le
- ↑ Lavisse, loc. cit.