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tout soldat comme un citoyen tenu plus qu’aucun autre à « la vertu, » amener la troupe elle-même a assimiler tout acte d’insubordination à un acte contre-révolutionnaire et li tenir tout séditieux, — ou même tout pillard, — pour un traître méritant la peine d’infamie.

Carnot, représentant aux armées du Nord, en attendant qu’il se fit, au Comité de Salut public, « l’organisateur de la victoire, » se dépensait en vibrantes proclamations. Après les désordres qui avaient suivi, en mai 1793, la reprise par nous d’Ypres et l’occupation de Nieuport, il écrivait aux soldats : «… Rappelez-vous, soldats, que le premier de vos titres est celui de citoyen ; ne soyons pas pour la Patrie un fléau plus terrible que ne le seraient les ennemis eux-mêmes ; ils savent que la République ne peut exister sans vertus, et ils veulent, par les intrigues de leurs émissaires, en étouffer le germe parmi vous. Laissons-leur l’esprit de rapine et de cupidité ; honorons-nous des vertus civiles encore plus que des vertus militaires ; que le faible et l’opprimé soient tous sûrs de trouver en nous une force tutélaire… Tels furent toujours, même au siècle du despotisme, les sentimens du soldat français ; tels doivent être à plus forte raison ceux des soldats de la République. »

Ce sage et grave Carnot ne cessait de parler ce langage. D’Adinkerke, — quatre mois après, — il écrivait encore : « Vous savez autant que nous (la proclamation était signée des trois représentans, Carnot, Berlier et Treilhard) que le Français est invincible quand il est devenu soumis à la discipline ; soyez-le donc ; c’est au nom de la Patrie que nous vous le demandons. Un pillard, un soldat qui n’obéit pas est toujours un lâche et nous savons que vous seriez désespérés d’en conserver parmi vous. »

Généraux et représentans concouraient à la même tâche. « A l’armée du Nord, écrit le colonel Dupuis[1], les volontaires continuaient (dans l’été de 1793) à s’absenter sans autorisation pour se rendre dans les clubs où ils délibéraient sur les affaires de l’État et dénonçaient les chefs qui leur déplaisaient. » Un arrêté du 18 août ordonnait des « peines sévères contre les généraux, officiers ou soldats qui quitteraient leur poste pour toute autre raison que le service et sans permission. » Custine,

  1. Capitaine Dupuis, Campagne de l’armée du Nord en 1793. De Valenciennes à Hondschoote. 1906.