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avec les généraux Alexeïeff, Roussky, Broussiloff, Radko Dmitrieff, une sorte de Conseil militaire ; mais peut-être y aurait-il autre chose à en faire que de les faire parler. La menace allemande sur Pétrograd a l’air de se dessiner : on songe à évacuer la ville, à transférer le gouvernement à Moscou. Cependant les Soviets hurlent de plus belle à la contre-révolution. On suspecte, on emprisonne, on exile. Et, au front, la discipline, l’ordre et le travail à l’arrière, ne se rétablissent toujours pas.

Le 11 septembre, nous apprenions que, sur une sommation de céder le pouvoir qui lui avait été apportée par le député Lvoff, ex-procureur du Saint-Synode, comme venant de Korniloff, mais tout ensemble désavouée dans les termes et reprise à son compte par le généralissime, Kerensky venait de destituer Korniloff ; puis, coup sur coup, que Korniloff refusait de remettre son commandement, qu’il rompait avec le gouvernement provisoire, que les Cosaques, après avoir offert leur médiation, prenaient parti pour ce fils de cosaque ; que, soutenu par le général Kaledine, ataman des Cosaques du Don (on sait que les Cosaques ne sont pas seulement des cavaliers, et leur chef, un chef militaire), par Klembowsky, son successeur à la tête des armées, par Loukomsky, son chef d’état-major, il entraînait contre Pétrograd cette fameuse « Division sauvage » qu’il avait illustrée et qui l’avait illustré. Une fois de plus, Kerensky lançait une proclamation, ajoutait à sa dictature le titre de généralissime, dissolvait son ministère ou le resserrait en une sorte de directoire, recevait les assurances de fidélité de la flotte de la Baltique, des maximalistes, des minimalistes, de certains cadets, et de certains autonomistes mêmes comme Bologoff, le délégué de la Rada d’Oukraine. Le Soviet condamnait Korniloff au nom de la légalité, de sa légalité, ce qui serait savoureux, s’il n’y avait tant de sujets de tristesse, et Kerensky décrétait d’accusation, outre Korniloff, les généraux Denikine, Loukomsky, Markolf, Kisliakoff, l’écrivain militaire connu, le colonel Clerget, le ministre de la Guerre du premier gouvernement provisoire, M. Goutchkoff. Quelles armées étaient sûres ? Lesquelles étaient rebelles ? Et, dans chaque armée, quelles troupes ? Dans chaque troupe, quels soldats ? En toute cette décomposition, la main allemande fouillait et creusait.

On pouvait redouter le pire. On était au bord de la guerre civile. La guerre se retournait et retombait de la frontière sur l’intérieur. Kerensky, dictateur et généralissime, rassemblait les régimens loyaux et marchait à la rencontre de Korniloff. Partout, de tous les Soviets,