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à l’état de science particulière ; elle a rendu de granas services : elle n’a pas modifié les problèmes de la philosophie. Et, si l’on y regarde, aucune découverte scientifique, parmi les plus célèbres et parmi celles qui marquent le plus de génie, de la part des savans, n’a modifié, au cours du siècle où la science a le plus magnifiquement travaillé, les problèmes de notre destinée, ou même l’économie de notre bonne activité ici-bas. Le problème religieux, pour revenir à Bossuet, n’a subi, des progrès de la physique, nulle atteinte. Ce que la science a modifié, ce n’est pas les problèmes de la religion : c’est l’attitude où se tiennent les gens à l’égard de ces problèmes, s’ils ont imaginé que la science a démenti la religion. Mais elle ne l’a point démentie. Alors, si le problème religieux, malgré les apparences, demeure intact, si pareillement les problèmes de l’ordre philosophique et moral se posent en réalité pour nos contemporains tout de même que pour les contemporains de Bossuet, Bossuet n’a pas tort de traiter la science comme étrangère à lui, évêque, et d’y trouver son passe-temps ; et nous avons besoin de lui plus que jamais pour qu’il nous enseigne à ne pas embrouiller ce qui est distinct. Le brouillamini de la science et du reste, l’un de nos pires travers, Bossuet le condamne : et, de cette manière, il n’est pas un homme de notre temps. Mais il a raison de le condamner : et de cette manière, sa leçon clairvoyante serait profitable à notre temps.

Vous l’appelez l’âme la moins combattue qui fût jamais. Appelez-le aussi l’âme la mieux ordonnée qui fût jamais. M. Dimier, du reste, a raison de noter que l’ordre ne se fait pas tout seul et que la paix suit les combats. Il nous est précieux de savoir que notre maître a combattu. C’est que nous sommes bien romantiques. C’est, en outre, et plus dignement, que les conclusions magistrales nous imposent davantage, si nous apprenons qu’elles n’ont pas négligé les objections, quelles les ont prises-à partie et dûment réduites avant de régner, Les adversaires de Bossuet n’en doutent pas, et, pour l’écarter de notre sympathie, le stratagème consiste à lui faire un personnage et peu sensible et peu intelligent.

Peu sensible ? Et, par exemple, on cite l’âpreté de sa polémique si longue, si acharnée, avec le très doux Fénelon. Mais oui ! Seulement, avez-vous lu Fénelon et la correspondance de ce rêveur étrange et de Mlle Guyon ? C’est une étonnante folie. Cette folie était périlleuse ; elle était, pour l’intégrité de la foi et même pour la bonne santé de la religion, la menace la plus inquiétante. Le génie séduisant de Fénelon donnait à cette absurdité beaucoup de crédit. Tourner la ferveur