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outils et toutes les machines qu’ils avaient sous la main. Les principales sucreries et plusieurs centaines de maisons, désignées parmi les mieux bâties, ont été pillées, minées ou incendiées en même temps que l’hôtel de ville et l’église Saint-Pierre. Nombreux étaient les troupeaux et les bêtes de somme que possédaient les agriculteurs de Roye et qui ont été pris ou tués.

C’est ainsi que Roye est peut-être l’endroit où l’on peut le mieux étudier sur place l’effort de reconstitution qui, peu à peu, relève les ruines, soulage les peines, ramène l’espérance en des âmes longtemps désespérées. Arrêtons-nous donc à Roye. Entrons dans la petite maison qui sert de bureau et d’agence au commandant, chef du secteur Somme-Ouest. Cet excellent officier nous reçoit dans la pièce étroite où il travaille, entouré de cartes et de plans. Une expression de bonté un peu triste est peinte sur son visage affable et grave. Ses yeux ont vu tant de misères, que sa parole serait impuissante à en retracer tout le détail. Il nous présente ses collaborateurs. L’officier de triage, à qui l’on a confié le soin de constater les infortunes, de classer les demandes, d’assurer les secours d’urgence aux évacués, et aussi de préserver la sécurité publique par l’éloignement discret des indésirables, est un ancien sous-préfet, très dévoué à sa tâche, tout préparé à résoudre des questions d’administration, de police ou d’assistance qu’il connaît de longue date. L’officier chargé de l’organisation et de la surveillance des travaux agricoles est un agriculteur dont le domaine rural, situé non loin d’ici, fut ravagé par les Allemands. On ne reprochera pas au commandant du secteur Somme-Ouest de méconnaître le principe de l’utilisation des compétences.

La main-d’œuvre civile est malaisée à trouver dans cette contrée où le retour des exilés se fait par lentes étapes. Cette main-d’œuvre, en tout cas, manque d’outils et d’attelages. C’est pourquoi, dès le 10 mai, par l’initiative des autorités militaires, on a procédé, sur une des places publiques de Roye et pour la première fois dans la zone reconquise, à une vente de chevaux réformés, parfaitement capables de servir à la culture de la terre. Les chevaux présentés ont été vendus à un prix moyen supérieur à 500 francs. Les agriculteurs, éleveurs et entrepreneurs de transports étaient seuls admis à cette vente. Les maquignons en étaient formellement écartés. Le 18 mai, une deuxième vente de chevaux réformés de l’armée, au nombre