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les parages de Libau, font redouter une tentative de débarquement sur les côtes baltiques, suivie d’une marche vers la capitale. Bien qu’ils aient déjà été dits, il faut revenir sur ces faits. Ils éclairent la psychologie du généralissime et expliquent son acte. L’armée est en pleine anarchie. La belle tenue des troupes a fait place à l’indiscipline ; leur ancienne ardeur au combat s’est éteinte sous le flot des paroles faussement pacifistes qui coule des lèvres des bolche-wiki. On discute dans les casernes, on discute sur les places publiques. Il n’est pas une tribune sur laquelle ne se profile la silhouette d’un soldat, enveloppé dans les plis du drapeau rouge. La salle Catherine, au palais de Tauride, est envahie par leurs Comités. On y boit, on y mange, on y dort, on y délibère. Une sorte d’orgie militaire se traîne dans toutes les tchaïnayas (maisons de thé populaires) de Pétrograd.

De plus, la révolte des matelots de la Baltique n’est pas encore apaisée. Cronstadt, qui détient 80 officiers dans ses casemates et refuse de les soumettre à la justice du gouvernement provisoire, est en pleine révolte. La Finlande, dont les sentimens germanophiles ne sont plus un mystère pour personne, demande son indépendance. Le plan des champs de mines qui gardent l’entrée du golfe de Finlande a été dérobé pendant les troubles chez l’amiral Népérine assassiné : les vaisseaux ont subi des avaries sérieuses… la capitale, sans défense, est menacée d’un désastre, si les Allemands réalisent leur plan de marche en avant.

Et, tout à coup, la situation intérieure déjà si tendue s’aggrave. C’est le moment de la campagne entreprise contre « les annexions et contributions, » contre les traités secrets dont on demande la divulgation. Le gouvernement provisoire, dominé par les Soviets, est sans force. Ce sont les clubs qui gouvernent et, dans les clubs, les plus hardis, non les plus sensés. Les beaux jours vont commencer pour les Zinovieff, les Stekloff, les Lénine, partisans de l’Allemagne.

La note de Milioukoff, ministre des Affaires étrangères, aux gouvernemens alliés, provoque la manifestation du 5 mai contre le gouvernement provisoire. Les soldats sortis de leurs casernes se sont massés sous les fenêtres du palais Marie. Au milieu de cette scène d’intimidation,, Korniloff paraît. Sa taille semble grandie. Ses yeux lancent des flammes. Dans un élan d’intense