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à travers bois, sans autre guide que sa carte et sa boussole. Au bout du sixième jour, il ne lui restait presque plus de vivres et comment s’en procurer ?… Il n’avait plus d’argent et la moindre imprudence pouvait le faire découvrir. Sa tête avait été mise à prix. On était en été, il ramassa les fraises des bois, les baies qui poussent sur les buissons et s’en nourrit, comme les oiseaux ! Parfois il tombait sur l’herbe exténué de fatigue et de faim. Sa vaillante nature morale le soutenait. Il arriva en Transylvanie. Là, il ne cacha plus sa nationalité, raconta qu’il était un soldat russe évadé des prisons autrichiennes. Les paysans lui ouvraient leurs chaumières et pourvoyaient à sa subsistance. Enfin, après vingt jours de marche, le 15 août 1916, au jour même de l’alliance entre la Roumanie et les peuples de l’Entente, le général Korniloff, vêtu en paysan, franchissait la frontière roumaine, à l’embouchure de la Rivière Noire, près de Tourn-Séverine. Un berger roumain le conduisit aux gardes-frontières.) Il déclina ses nom et qualité, et ‘on le fît conduire à Galatz. A la gare de cette ville, le héros de la campagne des Carpathes fut salué par le général roumain, commandant les troupes de la ville, accompagné de son état-major. Les jeunes filles de la ville lui offrirent des fleurs. Un bateau spécial le conduisit à Réni où il fut l’objet des mêmes ovations.


LA DIVISION SAUVAGE

Evadé des prisons autrichiennes, le héros des Carpathes, l’Aigle délivré, alla se présenter à la Stafka. Le tsar lui donna cette fois le commandement d’une armée, non moins farouche, mais plus intrépide encore que la division Souvarov : la Division Sauvage. Non seulement à cause du rôle qu’elle joue dans la tragique aventure actuelle, mais à cause d’elle-même, elle mérite d’être présentée. Quelle autre que cette étrange et passionnante armée pouvait convenir au désormais légendaire Korniloff ?

J’ai connu la Division Sauvage au Caucase. J’en ai aussi rencontré des élémens sur le front Sud de Galicie. Elle a combattu en Pologne, dans les Carpathes, partout où la mort a pris les formes les plus désespérées, les plus grandioses, les plus pathétiques.

Il faut avoir parcouru le Caucase, de la rivière d’Anapa aux