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LA DIVISION SOUVAROV

D’abord général d’une division d’infanterie, le général Korniloff fut placé, dès l’année 1915, à la tête de la célèbre division Souvarov. Sous ses ordres, elle devint une armée incomparable, renommée par toute la Russie pour son endurance, son intrépidité, sa capacité dans l’action. Il menait lui-même son bataillon à l’attaque, faisant flotter autour de ses hommes une atmosphère de tranquillité et de sang-froid.

« Chacun d’eux passe par l’école de Korniloff ! » disait-on en parlant des braves de la 48e division (division Souvarov).

Ce n’était pas seulement une école de bravoure. Par tous les moyens possibles, Korniloff tâchait de développer dans le soldat russe, naturellement intelligent et malléable, l’initiative militaire. Entre autres paradoxes, il aime celui-ci : « Si tu veux apprendre une chose, commence par l’enseigner ! » Avant chaque opération, il appelait plusieurs de ses soldats, leur ordonnait de réfléchir à la façon dont il conviendrait de procéder pour prendre telle place, occuper telle hauteur.

— Où placer l’artillerie ? De quel côté commencer l’attaque ? Quel régiment envoyer le premier ?

Cette manière d’agir produisait parmi les soldats une féconde émulation pour les choses militaires, mettait en relief les plus hardis, ceux qui, au besoin, peuvent remplacer les chefs tués ou blessés, les futurs héros qui seront cavaliers de Saint-Georges, ceux dont on pourra faire un jour des sous-officiers. Mais surtout, elle établissait entre les soldats et leur chef une intimité, une concordance de pensées telles que, de son propre aveu, il est arrivé à Korniloff de trouver dans les conseils de ses soldats de nouvelles et utiles inspirations. Le général Korniloff n’a pas attendu les Soviets pour démocratiser l’armée. Il l’a fait, non en cherchant à abaisser l’officier au rang du soldat, — et même au-dessous ! — mais en élevant peu à peu le moral du soldat jusqu’à lui. Ainsi, bien loin de nuire à la discipline, de désagréger l’armée, son système en augmentait la force et la valeur combative en créant entre officiers et soldats une estime réciproque et une plus grande confiance.

Korniloff aimait et pratiquait encore un autre paradoxe : « Nous sommes trop faibles pour nous défendre, » disait-il. En