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Ils sont entrés. Ils gagnent leurs places, un peu émus de ce retour, pleins de gaieté et de vie, mais contenus par l’image douloureuse de la guerre qui, soudain, leur apparaît… Et quand ils se sont tous assis, je sens monter, à la fois, vers mes yeux tous ces yeux d’enfans qui regardent, grands yeux clairs, pleins de curiosité et d’émoi, débordant de confiance attendrie, belles lumières dont l’intelligence et la caresse enveloppent mon âme d’une douceur de printemps.

Ils sentent, ils comprennent, bien qu’enfans : j’en suis sûr. Ils ressentent confusément les souffrances supportées pour eux par ceux du front ; ils devinent que jamais une masse de douleurs pareille n’a été entassée sur le monde, que jamais on ne vit tant de beaux espoirs flétris ; ils comprennent un peu que leurs soldats, confirmés dans la foi française et humaine, se sont grandis par leurs actes aux yeux de l’univers, mais les ont grandis eux-mêmes, en même temps.

Et le cours commence simplement, après trois mots de bienvenue. Suivant le programme, le maître parle de la France qu’il doit expliquer et décrire, et la classe l’écoute de toutes ses oreilles, comme s’il s’agissait d’un être vivant. La formation géologique du sol, ennuyeuse autrefois, intéresse aujourd’hui comme un conte de fée ; ils voient, au cours des âges, la chair des plaines se former autour du squelette des montagnes, tout paraît clair à ces petites âmes parisiennes habituées à vivre dans l’enthousiasme neuf de la passion ardente et sincère de cette colline pensive des Ecoles, où depuis bientôt mille années rêvent des jeunes hommes.


ANDRE FRIBOURG.