Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 41.djvu/62

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

c’est surtout parce que les choses étaient engagées de telle sorte que les armées allemandes, lancées à la poursuite des armées alliées, ne pouvaient plus « se décrocher. »


Ceci nous ramène à la manœuvre française préparant la bataille de Charleroi et à la manœuvre en retraite qui suit la bataille de Charleroi. On voit, maintenant, comment elles s’agencent et se combinent dans le grand drame militaire de la Bataille des Frontières.

Au début, Joffre, soucieux de maintenir intacte sa force de l’Est, autant pour seconder sa propre manœuvre en Alsace et en Lorraine que pour protéger le territoire national, attend jusqu’au 15 août pour apprendre, par les faits, de quel côté débouchera la principale offensive allemande. Dès le 15, l’affaire de Dinant le met en éveil et, quoique le mouvement allemand ait attendu le 19 pour se produire, il renforce son aile gauche et la porte résolument sur la Sambre. Le grand mouvement s’étant produit le 19, il jette ses armées du centre et ses armées de l’Est sur le flanc de l’adversaire. Par suite du retard de certains de ses élémens, sa manœuvre est un peu courte. D’ailleurs, elle se heurte à la prodigieuse préparation allemande. L’ennemi saisit l’initiative et gagne la victoire dans la région de la Sambre.

Cependant, les armées allemandes, happées en pleine marche, sont arrêtées ; elles n’atteignent pas la mer ; elles ne réussissent pas l’enveloppement ; elles sont entraînées dans le couloir où le commandement français les surveille et les escorte jusqu’au jour où il les écrasera par l’intervention des lignes extérieures.

En plus, l’effort de nos armées dans l’Est n’a pas été inutile : la bataille de la Trouée de Charmes a arrêté l’autre branche de la tenaille. Enfin, dans les Ardennes, les deux armées du kronprinz et du duc de Wurtemberg, d’abord victorieuses, seront obligées de livrer, les 27 et 28 août, la bataille de la Meuse qui leur enlèvera le principal bénéfice de leur premier succès. Partout les forces allemandes sont contenues et, malgré les apparences, la victoire reste en suspens.

Du côté allemand, trois grandes batailles gagnées ont donné l’illusion d’une réussite complète. Les conceptions de Schlieffen-triomphent. Cependant un frottement très sensible altère déjà