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Ce premier contact avec le public hollandais, le mercredi 27 février, dissipait mes dernières appréhensions, et me convainquait d’une sympathie qui, par-dessus nos modestes personnes, allait à cette sublime « personne morale » qu’est la France, celle de Michelet, celle de 1917, la France éternelle, qui continue. Comment sa figure, même faiblement évoquée, n’inspirerait-elle pas de l’amour à un peuple généreux ?


AMSTERDAM

Février-mars.

Après la Haye, capitale du monde officiel et de la Cour, me voici à Amsterdam, capitale de la vie hollandaise et de l’opinion. Journaux, affaires, mouvement intellectuel, tous les courans sont ici plus larges, plus forts ; c’est l’Amstel. Une ville toute en ponts, en quais, en canaux concentriques, d’un pittoresque achevé, que j’admirerais beaucoup si j’en avais le loisir et si, par un fâcheux inconvénient de la saison, les brumes plus collantes ici qu’ailleurs, et la malaria qui flotte en permanence sur cet écheveau de canaux stagnans, ne rendaient trop fébrile la première acclimatation. Mais, en revanche, quel accueil partout ! Le Français ne trouve ici que cordialité et bonne grâce, et surtout un universitaire, dans cette ville d’université, où le haut corps enseignant tient — comme par toute la Hollande d’ailleurs — une place prépondérante. L’événement qu’est le retour de Gustave Cohen, reprenant sa chaire à l’université comme officier réformé, blessé et croix de guerre, est tout à fait significatif. Dans la pension de la Tesselschadestraat où il est d’abord descendu, comme après dans la Van-Breestraat, c’est un défilé. Sa chambre de malade est fleurie d’azalées, de tulipes, et aussi de rubans tricolores. Les lettres, les cartes, les adresses d’étudians pleuvent. A toute heure, des visites, des questions émues, un attendrissement touchant chez ses collègues hollandais : on demande à voir la croix de guerre avec ses petites étoiles, à la toucher. J’assiste à ces scènes, aux récits du soldat de Vauquois, j’observe l’impression qu’ils font sur ces