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qui, dans ce plan, est attribuée à la branche de la tenaille qui opère en Belgique. Mais il faut reconnaître que, si elle est la partie la plus solide, c’est elle qui court les plus grands risques. Un succès des armées françaises dans les Ardennes et dans l’Est la scinderait par la base.

Or, voici ce qui se passe entre le 20 et le 25 août. Les armées allemandes de l’Est, victorieuses en Lorraine, sont arrêtées devant la Trouée de Charmes ; les armées allemandes refoulent dans les Ardennes les armées françaises, mais sont dans la nécessité de livrer une seconde bataille sur la Meuse ; les armées allemandes sont victorieuses dans la région de la Sambre, mais elles ne peuvent pas mener à bien le grand mouvement tournant : malgré la puissance de la droite allemande, elle n’a su ni détruire ni couper, ni envelopper les armées qui lui sont opposées. Son incontestable victoire n’est pas décisive.


Dans ces conditions, et étant donnée la situation de l’armée française et de l’armée allemande, quelles résolutions avaient-elles à prendre l’une et l’autre ?

L’armée française luttait désormais pour la défense du territoire. Mais Joffre, en raison du besoin d’équilibre qui était dans sa nature, prenait aussitôt le parti de transporter ses forces de l’Est, dont il n’avait plus le même besoin en Lorraine, pour les opposer aux forces allemandes le menaçant à l’Ouest. Puisque la première épreuve ne répondait pas à ses espérances, il modifiait son plan comme il modifiait sa tactique et, avec une souplesse remarquable, il tirait immédiatement de la guerre la leçon qu’elle venait de lui donner si rudement.

Les Allemands devaient-ils agir de même, avaient-ils à persévérer dans la tactique des attaques brusquées et dans la stratégie de la tenaille ? Ils avaient réussi : avaient-ils suffisamment réussi ?

Nous emprunterons la réponse à un document allemand du plus haut intérêt et que nous avons déjà cité : c’est un voyage d’état-major allemand remontant à 1906, mais corrigé et mis au point en 1911 par de Moltke le jeune, et consacré à l’étude d’une guerre contre la France, comportant à la fois une manœuvre de gauche par la Lorraine et une manœuvre de droite par la Belgique : les conditions offrent donc une très grande analogie avec celles qui se sont produites en août 1914. Or,