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les Rhénans demeuraient hostiles. Sur le moment ce qui apparut le plus clairement, c’est que la France profita des persécutions religieuses. Chez nous, en effet, depuis quelques années déjà, les divers ministères de Louis-Philippe s’étaient départis, à l’égard du clergé, de la malveillance qui avait signalé les débuts du règne. Les Rhénans, offensés et frémissans encore, comparèrent le régime auquel ils étaient soumis avec celui que nous garantissait le Concordat de Napoléon. Heine, très averti sur l’état de l’opinion allemande, écrivit que les catholiques étaient amis de la France, et que, s’ils avaient le pouvoir, ils lui abandonneraient la rive gauche du Rhin. Venedey, dans un texte déjà cité par M. Goyau, fit la même constatation, et son témoignage est d’autant plus précieux qu’il émane d’un Germain convaincu : « L’antipathie des provinces rhénanes à l’égard de la Prusse, avoue-t-il en 1840, antipathie qui s’est changée en haine profonde depuis l’enlèvement de l’archevêque de Cologne, semble augmenter les chances favorables à la France pour sa rentrée en possession de ces provinces. » Ainsi, dans toutes les entreprises où la Prusse s’était dépensée pour s’assimiler le pays rhénan, le bilan de son activité accusait une faillite. Les échecs succédaient aux échecs, tandis que l’opinion publique, impatiente du joug, souhaitait une délivrance et se cherchait un sauveur. Dans l’universel malaise, beaucoup d’yeux se tournaient vers l’antique protectrice, toujours forte et respectée, car il n’échappait à personne que les nouveaux maîtres semaient le trouble et soulevaient la révolte sur des territoires où la domination française avait fait régner la paix.


JULIEN ROVERE.