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de mariages mixtes, mais encore fallait-il accorder aux fiancés le droit d’agir autrement, si telle était leur volonté, et observer l’égalité confessionnelle. Ce n’était pas l’affaire des gouvernemens de s’immiscer dans les choses de la foi, ni surtout de persécuter une religion qui avait une existence légale : pouvaient-ils en effet demander aux catholiques de respecter l’épiscopat évangélique des princes, si les protestans faisaient profession de mépriser l’autorité du pape ? Quant à l’archevêque de Cologne, la façon dont il avait été traité était contraire à toutes les règles du droit public. « Considéré comme citoyen, personne ne peut contester qu’on lui ait apporté un grave préjudice : ceux-là surtout en seront convaincus qui compareront le procédé avec la législation française encore en vigueur dans la Prusse rhénane. Nous ajouterons, ce qui à notre grand étonnement n’a pas encore été relevé, que son grand vicaire Michaëlis subit un sort pareil et même plus dur. Lui aussi est citoyen, mais il languit dans les cachots de Magdebourg, sans que la nation, à part quelques imputations ou accusations vagues, ait jamais eu connaissance des causes qui l’ont fait incarcérer. »

il ne reste qu’à indiquer l’épilogue de ce drame, et à conclure. Droste, dans sa prison, conserva une attitude inébranlable. Comme le pape, de son côté, refusait de céder, il fallut négocier avec lui. La Prusse, aussi bien, reconnut qu’à persévérer dans ses provocations, elle courait le risque d’une irrémédiable défaite. Pour administrer provisoirement l’archidiocèse, on nomma donc un coadjuteur ; puis l’Etat, en même temps qu’il renonçait à favoriser l’hermésianisme, déclara qu’il se désintéressait des mariages mixtes et permit la libre correspondance des évêques avec Rome.

Cette affaire fit une victime. Ce fut Droste lui-même, qui ne remonta jamais sur son siège, et auquel succéda son coadjuteur Geissel. Quant à la Prusse, elle paya justement le prix de ses. fautes. Elle sortit du débat moralement diminuée, et l’antipathie tenace du peuple qu’elle opprimait s’accrut encore de lourdes rancunes. Assurément la monarchie des Hohenzollern ne renonça ni à ses méthodes, ni à ses desseins autoritaires. Même elle continua à peser sur le pays par ses policiers et ses soldats. Mais elle n’était maîtresse que par le fait de son occupation militaire, et la révolution de 1848, par la tournure qu’elle prit dans le pays rhénan, devait lui montrer à quel point