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classique, les Allemands, pas plus à l’Ouest qu’à l’Est, ne comprendront et ne se méfieront.

Un « groupement nouveau » sera donc constitué, soit en avant d’Amiens, soit, plus au Sud, derrière la Somme, et ce groupement sera l’arme de manœuvre du général Joffre. Il aura pour mission précise de tomber sur le flanc de l’ennemi en marche pour amorcer la grande bataille qui devra être livrée dans cette région, toutes forces réunies.

Or, le groupement ainsi constitué est celui dont le général Maunoury prend le commandement : c’est LA 6e ARMEE. La manœuvre de flanc qui lui est prescrite dans le Nord est précisément celle qu’elle accomplira, un peu plus tard, sur l’Ourcq.

Remarquez la souplesse de la dernière indication : « l’offensive se fera soit sur la ligne Arras-Bapaume » (si l’ennemi s’est engagé plus au Sud) « soit sur la ligne Saint-Pol-Arras » (s’il a calé ses forces et s’est consolidé avant de reprendre la marche sur Paris). On ne pouvait croire qu’il serait assez fou pour se précipiter dans la nasse sans laisser le moindre répit à ses troupes : il était sage de prévoir l’éventualité d’une attaque plus au Nord si l’ennemi ne se trouvait pas encore engagé trop loin vers le Sud.

Tout le plan repose, comme on le voit, sur la constitution d’une nouvelle armée de l’Ouest.

Quels élémens composeront cette nouvelle armée ? D’ores et déjà, ils sont énumérés : c’est le 7e corps, à savoir celui qui jusqu’ici a opéré à Mulhouse : cette mesure amène forcément la dislocation de l’armée d’Alsace. D’ailleurs, le plan d’offensive par l’Alsace n’est plus applicable : pourquoi s’entêter à garder, dans cette région, de gros effectifs quand des troupes moins nombreuses suffisent ? Douloureux sacrifice, certes ! Mais les nécessités stratégiques priment tout. Joffre ne voit que le but qu’il s’est proposé pour le bien du pays.

Quatre divisions de réserve : deux d’entre elles viennent, avec le 7e corps, de Belfort et du front d’Alsace.

Les deux autres, nous les connaissons : ce sont celles qui viennent de l’armée de Lorraine, commandée jusqu’au 25 août par le général Maunoury, la 55e et la 56e divisions de réserve : celles-là il faut les arracher à leur beau succès d’Etain, dans la Woëvre. Autre sacrifice ! L’armée de Lorraine, ayant mis en fuite l’aile gauche de l’armée du Kronprinz dans les journées du