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royaume. On prouva aux populations que l’on considérait ces tribunaux comme des organes d’un rang inférieur, en n’accordant pas aux juges qui y siégeaient le même rang et le même traitement qu’aux magistrats de la vieille Prusse. Mais le mépris ne suffisait pas, et l’on entreprit de faire table rase d’un passé gênant. Le Rbeinland, seul parmi les onze provinces, possédait une cour d’appel, et celle-ci continuait d’être liée par les décisions d’une cour de cassation qui délibérait à Paris. Cela, la bureaucratie de Berlin, animée d’un esprit unitaire et centralisateur, ne pouvait le permettre. C’était donc aux lois elles-mêmes, au droit français qu’elle devait s’attaquer : c’était lui qu’elle devait faire disparaître. Elle se mit bientôt à l’œuvre. Depuis 1815, il y avait une Commission immédiate de justice qui exerçait les fonctions du ministre pour les territoires de la rive gauche. En 1818, elle reçut la mission d’étudier les conditions d’un changement de législation. En 1825, elle se prononça pour le maintien de la législation française et fut brusquement dissoute. En 1826, le gouvernement annonça que le droit prussien serait introduit à la fin de 1828. La mesure fut alors différée, mais les projets se succédèrent : les menaces de changement reparurent en 1837, en 1839, en 1843 et en 1845. De ces tentatives, la plus complète fut celle de 1843. Cette année-là, le Landtag de Düsseldorf se vit présenter un code criminel qui devait être appliqué dans toute la monarchie et qui devait abroger dans le Rheinland deux des cinq Codes de Napoléon ; les autres auraient été supprimés ensuite, si l’essai avait réussi. Il fallut y renoncer.

Toutefois, en même temps que l’on essayait de forcer l’obstacle par une attaque de front, on l’assaillait aussi de biais, et l’on s’efforçait de détruire la législation française en détail, article par article. Les deux manœuvres furent concomitantes, et l’échec répété de la première ne fit jamais renoncer à la seconde. Celle-ci ne rencontra pas une moindre impopularité que celle-là, car le sentiment public, dans toute modification apportée à l’œuvre juridique du grand empereur, voyait le péril de coups plus rudes et d’innovations plus hardies.

Il serait un peu long, et peut-être fastidieux, d’énumérer toutes les mesures, tantôt obliques, et tantôt brutales par lesquelles la Prusse s’efforça de substituer, dans les pays rhénans, le droit prussien au Code Napoléon. Cet effort obstiné n’alla pas