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ne leur en avait jamais demandé plus de 7 500 000. De Düsseldorf à Sarrebrück, ils remarquaient que l’administration prussienne coûtait deux fois plus cher que l’administration française, et ils se plaignaient que la province payât des contributions bien plus fortes que le reste du royaume. En 1833, Hansemann consacra à la question un gros travail. Son livre ambigu[1], où le nouveau régime, — sans doute par prudence, — est jugé dans l’ensemble d’une manière favorable, présente dans le détail une série de condamnations implacables. Avec une extraordinaire sûreté et une complaisance visible, l’auteur met à nu les fautes des conquérans. Sans doute, dit-il, le Rheinland est administré à bon marché ; mais en temps de paix et sous la domination prussienne, il verse des impôts bien plus élevés que jadis sous le gouvernement d’un homme de guerre français. D’une façon générale, les charges fiscales sont plus lourdes en Prusse qu’en France. Si l’on considère que l’organisation militaire coûte à la première de ces puissances 27,17 pour 100 de ses dépenses totales, et seulement 24,13 pour 100 à la seconde, il est évident que de nombreuses économies seraient possibles. Elles devraient porter sur les frais de l’administration civile, sur les services de la police et de la justice, sur l’armée, de manière à amortir les dettes de l’Etat. En conséquence, Hansemann propose le renvoi de 60 000 soldats et fonctionnaires qui pourraient alors se livrer à un travail productif. Des mesures sagement conçues réduiraient les dépenses de 16 millions et demi de thalers, les contributions de 11 millions.

Le gouvernement finit par convenir que la nouvelle province payait de plus forts impôts que les anciennes, mais il n’en continua pas moins à faire vivre la Prusse tout entière aux dépens des pays annexés, sous prétexte que ceux-ci coûtaient très cher, et qu’il fallait construire des forteresses pour les protéger. De là chez les Rhénans des doléances jamais apaisées et une amertume que rien ne désarmait. Leurs maîtres s’étaient emparés d’eux par la force, des maîtres durs, sans esprit ni générosité, mais qui de plus étaient pauvres, avides comme des loups affamés, et qui poussaient l’injustice jusqu’à se faire nourrir par leurs victimes. Si encore le commerce eût été

  1. Hansemann : Preussen und Frankreich (Leipzig, 1833), cf. en particulier la préface, et les p. 315, 327 et sq., 376.