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l’autre bout de la France, en un voyage qui durait des journées. Il n’y avait à l’avant pour ainsi dire pas de chirurgien, pas d’installations chirurgicales permettant d’intervenir rapidement. Évacuer, telle était la seule fonction chirurgicale de l’avant.

Aussi, dans ces conditions, les infections généralisées étaient fatales. On sait assez, — pour que nous n’ayons pas besoin d’y insister ici, — ce qu’elles nous ont coûté, et comment l’organisation préexistante du service de santé aux armées, erreur administrative fondée sur une erreur technique (la croyance à la stérilité, à l’asepsie des plaies de guerre) a dû sous la pression cruelle des faits être entièrement refondue. Que les neuf dixièmes environ des plaies de guerre ne fussent pas aseptiques, c’est ce que l’on eût pu savoir d’avance si l’on avait mieux profité de l’expérience rapportée de la guerre balkanique, par les jeunes chirurgiens que la France y avait délégués. En 1914 du moins, la démonstration fut rapide et terrible.

C’est ainsi que — quelque bien toujours sortant de l’excès même du mal, — on a été amené à réorganiser complètement l’évacuation des blessés. Aujourd’hui heureusement, leur transport des postes de secours aux ambulances est considérablement abrégé par l’emploi des voitures automobiles naguère à peu près proscrites. On a créé en arrière du front, mais dans ses abords immédiats, de vastes hôpitaux chirurgicalement fort bien outillés et qui permettent d’opérer rapidement un grand nombre de blessés, et d’expédier plus en arrière les autres dans des conditions toutes nouvelles et fort différentes du far niente prétendument aseptique de jadis. Outre ces formations fixes, on a multiplié près de la ligne de feu des formations mobiles dont les plus précieuses sont les ambulances chirurgicales automobiles.

En somme, on a fini par comprendre que ce qui différencie le blessé de guerre du blessé civil, la chirurgie de guerre de la chirurgie pacifique, c’est uniquement la durée qui s’écoule entre la blessure et l’acte opératoire. On s’est donc efforcé, par une nouvelle organisation administrative des évacuations et des soins, de réduire au minimum ce temps forcément assez long du fait des circonstances du combat on a tâché de le réduire assez pour que l’évolution pathogène des plaies soit gagnée de vitesse, et pour que le chirurgien arrive avant elle sur cet autre champ de bataille : la plaie.

À cette révolution administrative du service de santé qu’ont