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Ce n’est pas tant une figure qu’une grande généralisation de certaines qualités françaises jusqu’alors un peu obscurcies.


Ces impressions conduisent M. Wells à de curieuses réflexions sur l’idée du surhomme, telle qu’elle a été présentée par Nietzsche et reprise par Bernard Shaw. Il y voit une interprétation superficielle du darwinisme et un contresens sur sa signification. Il ne suffit pas d’admettre que l’évolution d’où est sorti l’homme doit se continuer et le dépasser, et que l’avenir de l’espèce différera donc de son passé. Il faut se garder en outre de perdre de vue cette proposition biologique élémentaire, que la modification d’une espèce signifie en réalité un changement accompli au cours des siècles dans sa moyenne, et non pas l’apparition soudaine d’individus excentriques, ici et là, dans la masse générale.


Une espèce s’élève, non pas en projetant des pics, mais comme la marée qui monte. La venue du surhomme ne signifie pas une épidémie de personnages, mais la disparition du personnage dans l’ascension universelle. C’est là le point que n’a pas daigné voir l’école mégalomane de Nietzsche et de Shaw.

Et c’est la caractéristique de cette guerre, qu’on n’y a pas vu surgir de grande individualité isolée… Nous jouons tous notre rôle dans la réalisation de la sagesse de Dieu dans le monde ; mais, comme a servi à nous le rappeler la fin étrange et dramatique de lord Kitchener, il n’y a pas dans toutes les nations alliées une seule personnalité dont la mort puisse affecter matériellement les grandes destinées de cette guerre.


Ayant ainsi dégagé nettement les caractères, qu’il a si bien vus, de la guerre actuelle et le contraste, qu’il a si bien marqué entre les belligérans, M. Wells se demande quels seront ses résultats, quels sont les changemens que son cours tragique prépare dans les esprits et dans les faits. C’est ici surtout que nous allons voir sa « philosophie » prendre le pas sur ses observations.

Le premier de tous, le résultat immédiat, sera le règlement lui-même. Il ne semblait pas, au cours de son livre, que là-dessus sa pensée éprouvât la moindre hésitation. Il voit cette guerre telle qu’elle est, dans ses moyens et dans ses causes, œuvre longtemps préparée, préméditée, voulue, — et d’ailleurs